Commentaire philosophique : Freud Malaise dans la civilisation : Washington série S, 2019
ANNALES BAC DE PHILOSOPHIE WASHINGTON
- ANNEE 2019 -
Sujets : lecture PDF
Washington s 2019 philosophie (535.18 Ko)
Sujet 1
Avons-nous besoin d'art?
Sujet 2
La raison suffit-elle à connaître le réel?
Sujet 3
Commentaire : Freud Malaise dans la civilisation
Correction du commentaire
Freud, Malaise dans la civilisation
Thème : le bonheur
Problème : dans quelle mesure les hommes peuvent-ils espérer être heureux ?
Thèse : le bonheur est faiblement accessible aux hommes
Plan :
l. 1-6 : le bonheur est éphémère
l. 6-15 : le bonheur est rare
l. 15-17 : conclusion
Le bonheur est éphémère
Freud s'intéresse au « bonheur au sens strict », c'est-à-dire à l'expérience effective du bonheur, non à un état général de bien-être considéré comme moyenne des différents états effectifs. L'expérience du bonheur est définie comme l'effet de la satisfaction d'un besoin. Celui-ci devient ainsi une « situation épisodique », limitée dans le temps, qui suit une telle satisfaction et finit par s'affaiblir. Le retour du bonheur supposera donc la satisfaction de nouveaux besoins.
Le schéma du bonheur que Freud tente de constituer est pensé au prisme des concepts de la psychanalyse : le « principe de plaisir » est le principe selon lequel les pulsions tendent naturellement à leur satisfaction. Or, ce principe ne mène pas au bonheur, état qui implique une intensité de ce qui est ressenti, mais à un « tiède contentement » quand la satisfaction des besoins est maintenue. Le bonheur, la jouissance viennent au contraire du contraste. Il faut que des besoins nombreux et pressants se soient accumulés pendant longtemps pour que la force du bonheur puisse advenir dans leur satisfaction. La jouissance vient du « contraste », du poids qui s'allège, et non de l'« état ». L'opinion courante sur le bonheur, qui se le représente comme un état, est donc illusoire. Notre « constitution » est telle que le bonheur est éphémère.
Le bonheur est rare
Au contraire, le « malheur » (là aussi « au sens strict » : l'expérience de la souffrance) est fréquent pour l'humanité. Le bonheur est donc non seulement éphémère quand il advient, il est également rare. Freud dresse une typologie des causes du malheur pour montrer combien celui-ci menace de tous côtés et est à peu près inévitable. Les trois causes invoquées participent implicitement du « principe de réalité », qui est le fait que la conscience doive composer avec un monde matériel dans lequel toutes les pulsions ne peuvent pas être satisfaites.
La première cause de souffrance est notre corps, soumis à dégradation croissante. Or la « déchéance » et la « décomposition » sont des causes de douleur croissante. De plus, ajoute Freud, la souffrance est intrinsèque au fonctionnement du corps et même un corps qui ne vieillirait pas en serait affecté : douleur (devant un problème effectif) et angoisse (devant le risque d'un problème, le danger) sont des « signaux d'alarme », des fonctions naturelles et nécessaires du corps.
La seconde cause est le monde extérieur. Ici le malheur apparaît moins nécessaire : au fond le monde est seulement « capable » de nous faire souffrir, et chaque tragédie qui nous affecte est au fond un événement contingent. Mais la probabilité de souffrir est si forte que ce monde extérieur est une cause de malheur pour chaque être avec une quasi certitude : il possède des « forces énormes ».
La dernière cause de souffrance est le monde social et les relations intersubjectives. Comme le souligne Freud, cette souffrance-ci nous apparaît encore plus blessante, car très contingente : nous y voyons « une sorte de surcroît sans nécessité ». Le combat de Freud, philosophe du soupçon, contre l'illusion du libre arbitre et de la conscience toute-puissante se fait ici sentir : nous croyons que les autres ont choisi de façon non contrainte de nous faire du mal, parce que nous ne voulons pas reconnaître que le mécanisme pulsionnel des autres n'est « pas moins fatalement inévitable », que « le moi n'est pas le maître en sa propre maison ».
Conclusion
Le bonheur semble donc à Freud à la fois rare du fait de la misère de la condition humaine, nécessairement exposé à de nombreuses causes de souffrances, et éphémère quand il est ressenti, du fait qu'il tient justement à l'allègement du poids de la souffrance et des besoins insatisfaits, et non à un état ou à une situation. Voilà pourquoi les hommes se comportent à ses yeux selon des revendications modestes de bonheur : la vie demeure essentiellement souffrance. C'est un texte très pessimiste.
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Date de dernière mise à jour : 20/04/2021
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