Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce -Explication linéaire : Le soliloque d’Antoine, deuxième partie, scène 3

Problématique: En quoi cette scène révèle t'-elle la complexité d'une rivalité fraternelle?

Juste la fin du monde

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Exercices bac français Lagarce Juste la fin du monde parcours crise personnelle, familiale. Evaluez votre niveau, testez vos connaissances

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Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce

Juste la fin du mondeJean-Luc Lagarce est un comédien, metteur en scène, directeur de troupe et dramaturge français né le 14 février 1957 à Héricourt (Haute-Saône) et mort le 30 septembre 1995 
Sa pièce Juste la fin du monde entre au répertoire de la Comédie-Française en 2008
Une partie de son théâtre est largement autobiographique, et met en scène un double de l'auteur aux prises avec les relations difficiles qu'il entretient avec sa famille et ses origines.
Le théâtre de Lagarce est centré sur le discours. Les intrigues de ces pièces sont relativement minces et explorent profondément le poids des non-dits et de l'incapacité au dialogue. Son écriture procède notamment par incises, les personnages reprennent sans cesse ce qu'ils viennent de dire en le modifiant (épanorthose), figure de style qui consiste à chercher le mot juste, à nuancer ses paroles. 
Juste la fin du monde est une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce à Berlin en 1990, dans le cadre d'une bourse Léonard de Vinci, alors qu'il se savait atteint du sida.
C’est une pièce tragique qui est structurée comme une tragédie avec le prologue de Louis qui fait penser au chœur tragique annonçant son destin, sa mort prochaine. 
Parcours bac 
Juste la fin du monde met en scène une crise personnelle et familiale. 
Louis traverse une crise personnelle car il va mourir, l’aveu voulu de sa mort le ramène dans sa famille. Mais le retour de Louis déclenche une crise familiale, tous les personnages se disputent et n’arrivent pas à communiquer. C’est une parole en crise qui révèle le théâtre de Lagarce. C’est une crise du langage, d’où l’inflation des épanorthoses. 
Résumé 
Louis rend visite à sa famille pour la première fois depuis des années. Il retrouve sa mère, sa sœur Suzanne, son frère Antoine et sa belle-sœur Catherine. Il a l'intention de leur annoncer sa maladie et que sa mort prochaine est irrémédiable, mais son arrivée fait resurgir souvenirs et tensions familiales. Chacun exprime divers reproches et Louis repart sans avoir pu faire l'annonce de sa mort.
Les thèmes 
La pièce aborde la question de l'absence du fils et de son retour auprès de sa famille. 
La difficulté à se comprendre
Les personnages n’arrivent pas à communiquer d’où l’importance des épanorthoses, des non-dits, des malentendus 
La pièce est également dominée par les thèmes de la solitude, de la difficulté de communication entre les hommes. Enfin face à la mort inéluctable, le personnage cherche à rassembler des éléments de sa vie et à donner de la cohésion à son existence.

Le soliloque d’Antoine, deuxième partie, scène 3  (de « Rien en toi n’est jamais atteint » à « il ne m’arrive jamais rien. »)

Juste la fin du mondeJuste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce
Explication linéaire


Le soliloque d’Antoine, deuxième partie, scène 3 
(de « Rien en toi n’est jamais atteint » à « il ne m’arrive jamais rien. »)

 

Juste la fin du mondeIntroduction
Jean-Luc Lagarce est un dramaturge, écrivain contemporain auteur de la pièce Juste la fin du monde écrite en 1990, deux ans après avoir appris qu’il était atteint du sida et condamné. Il décèdera à l’âge de 38 ans.
Cette pièce est un huis-clos formé de cinq personnages, la mère, Louis, sa sœur Suzanne, son frère Antoine et sa femme Catherine, la scène se passe dans la maison de la mère, un dimanche. Louis, personnage principal revient dans sa famille après 12 ans d’absence pour annoncer sa mort prochaine, il est malade du sida. L’allusion autobiographique se double d’une référence tragique car rien ne se dit facilement dans le cercle familial, la parole se cherche, se perd pour finalement ne révéler que les crises. 
L'extrait termine la dernière scène de la pièce qui précède l'épilogue. Louis a demandé à être accompagné à la gare. Antoine sort de son silence et se plonge dans une logorrhée verbale, devant un choeur de femmes silencieuses, sur Louis réduit au silence.
C'est un long soliloque dans lequel Antoine exprime sa colère, sa frustration et sa souffrance. Il se situe entre le ressentiment et l'amour compassionnel. 

Problématique:
En quoi cette scène révèle t'-elle la complexité d'une rivalité fraternelle?
Mouvements :
Mouvement 1 : 
Louis : un frère faux, trompeur et hypocrite. Du début à la ligne 14 "tu l'as conservé" 
Mouvement 2 : 
Lignes 15 à 35 : La construction du ressentiment d'Antoine. Une opposition de longue date entre les deux frères. 
Mouvement 3 : 
Lignes 36 à 45 : Antoine, un frère sacrifié
Mouvement 4 :
Lignes 46 à la fin : Antoine, un frère impuissant
 

Mouvement 1 :  Louis : un frère faux, trompeur et hypocrite. Du début à la ligne 14 "tu l'as conservé" 

Juste la fin du mondeMouvement 1 : 
Cette scène s'ouvre sur les propos d'Antoine qui reproche à son frère Louis d'être un personnage faux, de ne pas jouer franc jeu, de tricher. Il est accusé d'être un trompeur. La première phrase "Rien en toi n'est jamais atteint" répétée deux fois, lignes 1 et 3, fait écho à l'expression "de ne pas les laisser entrer" pour souligner l'idée que Louis est inaccessible, intouchable et qu'il se sert du malheur pour se protéger des autres. Les propos d'Antoine accentuent l'écart entre ce que Louis est vraiment et l'image qu'il donne de lui. 
Le portrait repose sur la connaissance qu'Antoine a de Louis, "il fallait des années peut-être pour que je le sache". C'est une connaissance de longue date valorisée par le complément circonstanciel "des années", elle donne matière aux propos tenus d'Antoine et se confirme par les verbes savoir et apprendre, "que je le sache", ligne 2 et "j'ai appris cela", ligne 5.
La perception qu'Antoine a de Louis fonctionne sur le principe de l'ironie dramatique : il aurait toujours joué le malheur sans être réellement malheureux, sans être atteint, au moment même où le public, lui, sait que ce malheur est réel, que la mort viendra et qu'il n'a pas pu l'annoncer : cette ironie se traduit dans la remarque "si tu avais mal, tu ne le dirais pas". La tirade devient une oraison funèbre cruelle et ironique, Antoine ignore qu'il s'agit d'un discours d'adieu. 
Antoine poursuit sa tirade en mettant en avant la contradiction et l'hypocrisie de son frère par l'emploi de phrases négatives qui nient le malheur réel de Louis : "Tu n'as pas mal". Le champ lexical du malheur "une façon que tu as de répondre", "ta manière à toi", ligne 11, "le malheur sur le visage", ligne 12, "un air de crânerie", ligne 13, insiste selon Antoine sur le choix volontaire de Louis d'afficher son malheur et de construire ainsi ses relations avec les autres. L'idée se confirme par le rythme ternaire, "tu as choisi ça, et cela t'a servi et tu l'as conservé", ligne 14.

Mouvement 2 : Lignes 15 à 35 : La construction du ressentiment d'Antoine. Une opposition de longue date entre les deux frères.

Mouvement 2 : 
Loin de fonctionner comme un dénouement, un conflit où l'obstacle serait levé, cette scène est une dissolution, celle de Louis. Rien ne se dénoue, tout se dissout. Cette tirade est focalisée sur le passé, elle ne lutte plus pour un présent. Elle se focalise sur le mal fait par Louis mais un mal involontaire. 
Dans ce deuxième mouvement, Antoine s'associe à la famille par l'emploi de la première personne du pluriel "nous", "notre" et le déterminant associé à l'adverbe, "tous ensemble". Mais dès la ligne 19, la dissociation d'Antoine avec le reste de sa famille est marquée par les pronoms séparés par une virgule, "Moi, eux". Désormais Antoine est associé au pronom de la première personne jusqu'à la fin du deuxième mouvement, "ma faute", "me reprendre", "m'aimer". La famille est représentée par le pronom indéfini "on" et Louis par la deuxième personne. 
Antoine semble prendre en charge la culpabilité "ma faute" alors qu'au début du mouvement, la culpabilité concerne toute la famille, "nous rendaient responsables tous ensemble". Le champ lexical de la culpabilité domine et fait écho au poids du pasé, "n'avait rien à se reprocher", "responsables", lignes 15 et 16, "faute", "de ma faute", lignes 20 et 21.
"Peu à peu", ligne 20 insiste sur la gradation croissante de la culpabilité d'Antoine seul, "c'était de ma faute, ça ne pouvait être que de ma faute". Dès la ligne 22, Antoine met en avant l'expression du sentiment de n'être pas aimé et l'explique par "puisque" qui justifie le détournement de tout l'amour familial sur Louis, mis en valeur par les antithèses, "trop", "pas assez", "reprendre", "donnait pas". La tristesse de cet aveu est mise en avant par la brièveté du vers et par la place finale du pronom indéfini "rien", ligne 26.
Le parallélisme des phrases lignes 22 à 25, 
"on devait m'aimer trop puisque on ne t'aimait pas
assez
et on voulut me reprendre alors ce qu'on ne me
donnait plus"
souligne l'opposition entre les deux frères : la mauvaise répartition de l'amour entre Louis et Antoine. 
Ce dernier estime avoir été privé d'amour au profit de Louis. Sont ainsi nées des inégalités comme le montrent les connecteurs logiques de cause "puisque" et de conséquence "alors", lignes 22 et 24. A la fin de ce deuxième mouvement, Antoine met en scène l'idée d'un bonheur forcé, évoqué par l'énumération des verbes des lignes 29 à 31, "à ne jamais devoir me plaindre, à sourire, à jouer, à être satisfait, comblé". Le groupe nominal "bonté sans intérêt" reflète le sentiment d'inutilité d'Antoine. Au contraire, Louis est associé au malheur par la métaphore "tu suais le malheur", les hyperboles "toujours", "rien ni personne", "sauver". Ce n'est qu'une posture car Louis doit seulement s'appliquer à avoir l'air malheureux.  
 

Mouvement 3 : Lignes 36 à 45 : Antoine, un frère sacrifié

Juste la fin du mondeMouvement 3 : 
L'anaphore ternaire "lorque tu es parti, lorsque tu nous as quittés, lorsque tu nous abandonnas", marque le départ de Louis de la maison familiale avec une gradation et une épanorthose qui traduisent la douleur de la famille.
Cette situation tragique transparait à travers le champ lexical de la tragédie "admettre la fatalité", "te plaindre", "m'inquiète".
L'immobilité de la famille suggérée après le départ de Louis à travers les expressions "ne plus oser dire", "ne plus oser penser", "rester là", "t'attendre" connote l'idée d'une mort symbolique. 
Antoine semble être condamné au silence, "être silencieux", ligne 40, "ne plus jamais oser dire un mot", ligne 43 et à se soucier pour son frère Louis, "te plaindre", ligne 40, "m'inquiéter de toi à distance", ligne 42. 
La vie d'Antoine semble se vider. Le groupe verbal "rester là" traduit son immobilité, "comme un benêt" ligne 45 évoque l'absence de pensée, "A t'attendre" suggère la posture de tous les membres de la famille dans l'attente du retour de Louis.

Mouvement 4 : Lignes 46 à la fin : Antoine, un frère impuissant

Mouvement 4 :
Le vide de la vie d'Antoine est suggéré par l'antiphrase ironique de la ligne 46 "Moi je suis la personne la plus heureuse de la terre". 
Il se définit avec emphrase "Moi je suis" en opposition à Louis, il en est l'antithèse puisque ce dernier a monopolisé le droit au malheur.
Il se voit privé du droit de se plaindre et d'exprimer ses souffrances "c'est comme si il ne m'était rien arrivé, jamais". Il insiste sur la banalité de sa vie par la répétition "il ne m'arrive jamais rien". 
La tirade d'Antoine se termine comme elle a commencé par l'idée de "Rien" qui est récurrente.
 

Conclusion :
Cette tirade reflète la complexité de la rivalité fraternelle. Antoine accable Louis de culpabilité tout en le considérant avec amour et compassion. Louis est à la fois source de malheur et d'amour pour toute la famille. Le ressentiment d'Antoine est aussi l'expression de l'attachement à son frère. 
Ouverture :
On retrouve dans la tirade de Phèdre de Racine, le topos de l'aveu qui reflète une impuissance tragique familiale, celle de résister à sa passion pour Hippolyte. 
 

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Date de dernière mise à jour : 20/03/2023

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