Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire - Analyse "Entre la séparation décrétée par Florence ...."l’enquête pour étudier le mystère du mensonge
Problématique : Comment Emmanuel Carrère reprend t’-il les procédés de l’enquête pour étudier le mystère du mensonge? EAF 2020
Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire analyse, entretien avec l'auteur, questionnaires, lectures cursives.Romand,Meursault, vérité et mensonge
Carrère, l'Adversaire. Analyse littéraire. Entretien avec l'auteur, questionnaires, lectures cursives.Romand et Meursault, vérité et mensonge-Analyse littéraire d'une oeuvre intégrale - Le titre du roman : pourquoi “L’Adversaire” ?Questionnaire et adaptation cinématographique- genre littéraire et genèse- EAF 2020 -
Support : lecture du texte -
Entre la séparation décrétée par Florence et cette rentrée de septembre, juste avant les vacances d'été, prend place un épisode avant-coureur. Ils étaient dans une boîte de nuit, la bande habituelle moins Florence, déjà partie pour Annecy. À un moment, Jean-Claude a dit qu'il sortait chercher des cigarettes dans sa voiture. Il n'est revenu que plusieurs heures après, sans que personne apparemment se soit inquiété de cette absence prolongée. Sa chemise était déchirée, maculée de sang, et lui hagard. Il a raconté à Luc et aux autres que des inconnus l'avaient agressé. Sous la menace d'un pistolet, ils l'avaient obligé à monter dans le coffre de sa voiture et à leur donner les clés. La voiture avait démarré. Elle roulait très vite et lui, dans le coffre, était trimballé, meurtri par les cahots, terrifié. Il avait l'impression qu'on allait très loin et que ces types qu'il n'avait jamais vus, qui le prenaient peut-être pour un autre, allaient le tuer. Aussi brutalement et arbitrairement qu'ils l'y avaient jeté, ils avaient fini par le sortir du coffre, le rouer de coups et l'abandonner au bord de la route de Bourg-en-Bresse, à 50 kilomètres de Lyon. Ils lui avaient laissé sa voiture, au volant de laquelle il était rentré tant bien que mal.
« Mais enfin, qu'est-ce qu'ils te voulaient ? » demandaient les amis, stupéfaits. Il secouait la tête : « justement, je n'en sais rien. Je n'y comprends rien. Je me pose exactement les mêmes questions que vous. » Il fallait prévenir la police, porter plainte. Il a dit qu'il le ferait mais les mains courantes des commissariats lyonnais n'en gardent pas trace. Pendant quelques jours, on lui a demandé s'il y avait du nouveau, puis les vacances sont arrivées, chacun est parti de son côté, on n'en a plus reparlé. Dix-huit ans plus tard, cherchant dans le passé de son ami quelque chose qui pourrait expliquer la tragédie, Luc s'est rappelé cette histoire. Il en a parlé au juge d'instruction, qui la connaissait déjà. Dans un de ses premiers entretiens avec les psychiatres, le prévenu l'avait évoquée tout à fait spontanément, comme un exemple de sa mythomanie : de même qu'il s'était inventé, adolescent, une amoureuse prénommée Claude, il avait inventé cette agression pour qu'on s'intéresse à lui. « Mais après, je ne savais plus si c'était vrai ou faux. Je n'ai bien sûr pas le souvenir de l'agression réelle, je sais qu'elle n'a pas eu lieu, mais je n'ai pas non plus celui de la simulation, d'avoir déchiré ma chemise ou de m'être moi-même griffé. Si je réfléchis, je me dis que je l'ai forcément fait mais je ne me le rappelle pas. Et j'ai fini par croire que j'ai vraiment été agressé. »
Le plus étrange, dans cet aveu, c'est que rien ne l'y obligeait. L'histoire, dix-huit ans après, était parfaitement invérifiable. Elle l'était déjà quand, de retour à la boîte, il l'avait racontée à ses amis. Par ailleurs, elle ne tenait pas debout et c'est pourquoi, paradoxalement, personne n'a songé à la mettre en doute. Un menteur s'efforce en général d'être plausible : ce qu'il racontait, ne l'étant pas, devait être vrai.
Quand j'étais en seconde, au lycée, beaucoup d'élèves s'étaient mis à fumer. J'étais à quatorze ans le plus petit de la classe et, craignant de faire sourire en imitant les grands, j'avais mis au point un stratagème. Je prenais une cigarette dans la cartouche de Kent que ma mère avait achetée lors d'un voyage et gardait à la maison au cas où un invité aurait voulu fumer, je glissais cette cigarette dans la poche de mon caban et, le moment venu, au café où nous nous retrouvions après les cours, j'y plongeais la main. Fronçant les sourcils, j'examinais ma trouvaille avec étonnement. Je demandais, d'une voix qui me semblait péniblement stridente, qui avait mis ça dans ma poche. Personne, et pour cause, ne disait que c'était lui, et surtout personne ne prêtait grande attention à l'incident, que moi seul commentais. J'étais certain qu'il n'y avait pas de cigarette dans ma poche quand j'étais parti de chez moi : cela signifiait que quelqu'un y avait glissé celle-ci à mon insu. Je répétais que je n'y comprenais rien comme si cela suffisait à écarter le soupçon que j'avais pu moi-même arranger cette saynète pour me rendre intéressant. Or ça ne me rendait pas intéressant. On ne refusait pas de m'écouter, mais les plus complaisants disaient « ouais, c'est bizarre » et passaient à autre chose. J'avais l'impression, moi, de les placer devant un de ces dilemmes qui tout en l'agaçant ne peuvent que mobiliser l'esprit. Soit, comme je le prétendais, quelqu'un avait mis cette cigarette dans ma poche et la question était : pourquoi ? Soit c'était moi qui l'avais fait, qui mentais, et la question était la même : pourquoi ? dans quel intérêt ? Je finissais par hausser les épaules avec une feinte désinvolture et dire que bon, puisque cette cigarette était là je n'avais plus qu'à la fumer. Ce que je faisais. Mais je restais surpris et déçu de ce qu'aux yeux des autres il ne semblait pas s'être passé autre chose que les gestes habituels d'un fumeur : sortir une cigarette et l'allumer, ce qu'ils faisaient tous et que je désirais faire sans l'oser. On aurait dit que cette contorsion par laquelle je voulais à la fois affirmer que je fumais et que si je le faisais c'était à la suite de circonstances tout à fait spéciales, en somme qu'il ne s'agissait pas de ma part d'un choix dont je redoutais qu'on se moque (ce à quoi nul ne songeait), mais d'une obligation liée à un mystère, que tout ce petit cirque n'avait été remarqué par personne. Et je me figure bien l'étonnement de Romand devant la façon dont ses amis ont pris leur parti de son invraisemblable explication. Il était sorti, revenu en racontant que des types l'avaient tabassé et voilà tout
Problématique :
Comment Emmanuel Carrère reprend t’-il les procédés de l’enquête pour étudier le mystère du mensonge?
Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire - Commentaire littéraire "La vieille dame douce et craintive...de ma vie", EAF 2020
Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire - Commentaire littéraire "La vieille dame douce et craintive...de ma vie", EAF 2020 -Montrez que les différents arguments relatifs à l’origine de l’écriture répondent au dilemme de faire ou de ne pas faire un livre sur l’affaire Romand. L'origine de l'écriture -
I - L’origine du mensonge A - L’invraisemblable - B - La logique de l’invraisemblable - C - La vérité de l’invraisemblable
Notes introductives
1 -
Combien de temps met-il à écrire ce livre?
7 ans. Publication en 2000
2 -
Est-ce un récit biographique?
Oui, c’est un récit biographique qui essaye d’expliquer par la littérature les raisons de son mensonge.
Trouver cette force qui le pousse.
3 -
Que pouvez-vous dire du titre?
En 1999, Carrère participe à une nouvelle édition de la bible. Il a traduit l’Evangile de Marc où Satan s’appelle l’Adversaire.
I -
L’origine du mensonge
A -
L’invraisemblable
1 -
Dans le début du récit la vérité s’oppose au mensonge.
Comment l’invraisemblable se traduit-il?
L’invraisemblable se traduit par la réaction des amis «?stupéfaits?», par l’absence de raisons des agresseurs.
2 -
Comment les actions sont-elles rapportées?
Asyndète : les actions ne sont pas reliées, tout est juxtaposé, il n’y a pas de logique
3 -
Peut-on parler d’une traduction syntaxique du mensonge?
Oui, il y a description d’actions qui sont indépendantes et cela ne donne pas de sens au texte.
4 -
Relevez les hyperboles permettant de repérer le mensonge
«?terrifié?», «?meurtri?», «?trimballé?», «?inconnu?», «?type?», «?pistolet?»
Version personnelle qui renforce l’invraisemblable.
I-
L’origine du mensonge
B -
La logique de l’invraisemblable
1 -
Malgré l’invraisemblable, y a t’-il une logique dans l’origine du mensonge?
Oui, on retrouve l’opposition Aristotélicienne de l’histoire et de la fiction dans la poétique malgré l’invraisemblable, il y a une logique. La fiction est plus vraisemblable que l’histoire. La fiction a une suite logique par opposition à la vie réelle.
La fiction est ici mise en avant. Quand on écrit une fiction on doit être vraisemblable et respecter une certaine logique.
Ici Jean Claude est l’acteur, il joue un rôle «?sa chemise… hagard?».
2 -
Quel discours avons-nous dans l’histoire rapportée?
Discours indirect libre. Les amis racontent. Les amis ont déformé l’histoire comme une mauvaise histoire de série policière.
3 -
Relevez une catachrèse
Définition : figure de style qui consiste à détourner un mot de son sens propre en étendant sa signification.
«?Maculée de sang?».
4 -
Comment percevez-vous la description faite?
La description joue sur les éléments de suspens
5 -
Qu’apprenons-nous au paragraphe 2?
L’histoire est un mensonge et Jean Claude ne se souvient pas au paragraphe 2 si l’histoire a vraiment eu lieu.
«?Mais après je ne savais plus si c’était vrai ou faux. Je n’ai bien sûr pas le souvenir de l’agression réelle?»
6 -
Comment les personnages tentent-ils d’inscrire l’invraisemblable dans le vraisemblable?
Par le vocabulaire «?policier?», «?commissariat?»
7 -
Le texte se situe t’-il à plusieurs niveaux?
Oui, les amis disent qu’il fallait porter plainte par opposition aux «?mains courantes des commissariats Lyonnais qui n’en gardent pas trace?». On note une réaction opposée, personne en fait ne relève l’invraisemblable.
I -
L’origine du mensonge
C -
La vérité de l’invraisemblable
1 -
Comment l’aspect paradoxal du mensonge est-il mis en avant?
Emmanuel Carrère s’intéresse à la vérité sur Jean Claude. Dans ce mensonge se joue la vérité. Les motifs sont invoqués et deux motivations s’entremêlent. L’anecdote essaye de montrer pourquoi il mentait. Pour faire son intéressant = «?de même qu’il s’était inventé adolescent une amoureuse prénommée Claude, il avait inventé cette agression pour qu’on s’intéresse à lui?».
Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire - Analyse littéraire, ch. 7 - la fabrique de la fiction, du mensonge, de l'adversaire-EAF 2020
Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire - Analyse littéraire, CH 7- la fabrique de la fiction, du mensonge, de l'adversaire-EAF 2020-Problématique : En quoi peut-on dire que ce passage soit envisagé à trois niveaux : au niveau de la fabrique de la fiction, du mensonge et de l’adversaire?
II- Une enquête A - La précision de l’écriture - B - La polyphonie et l’enlacement des récits - C - Méthode par empathie
II-
Une enquête
A -
La précision de l’écriture
1 -
L’écriture est-elle précise et simple?
Oui, l’écriture est simple, précise, efficace et sans ornement. On peut parler d’économie de moyens stylistiques. Les phrases sont courtes à structure simple, sujet+verbe+complément. Carrère tente de reconstituer le réel de la manière la plus simple possible. Il ya une précision factuelle.
2 -
Au-delà de la précision factuelle peut-on parler de précision démonstrative dans le dernier paragraphe?
Oui, il y a une démonstration avec des connecteurs logiques. Thèse = on ment pour se rendre intéressant en inventant des mystères.
Jean Claude incarne le mensonge type. Tout le monde est incapable d’un tel mensonge. La clé du mensonge est dans le double mystère.
- le motif
- le contenu
II -
Une enquête
B -
La polyphonie et l’enlacement des récits
1 -
Peut-on parler d’une polyphonie de voix dans ce passage?
Oui, plusieurs voix s’entremêlent, Luc, Jean-Claude, le juge, le psychiatre…
«?Jean-Claude a dit?», «?les amis?», «?il a raconté à Luc et aux autres?». Il y a des imbrications. Carrère dit que les amis ont dit que Jean-Claude avait dit aux amis……. On passe d’une voix à une autre voix.
2 -
Relevez deux marques de saut temporel dans l’histoire.
«?18 ans après?»
«?18 ans plus tard?»
Il y a un saut temporel qui revient dans les évènements dans le tribunal du livre = A l’image d’un puzzle.
3 -
Le narrateur se met-il à la place de l’enquêteur?
Oui, c’est ainsi qu’il fait comparaître les voix.
4 -
En quel sens peut-on parler de rapports différents au monde?
Chaque voix propose un rapport au monde différent mais le texte ne tranche pas. Il n’y a pas de critique et de validation.
On a un rapport à deux voix.
Voix 1 = D’un côté on a l’impression que l’extrait condamne son comportement enfantin.
Voix 2 = Dimension pathologique du mensonge.
Dimension gratuite de l’aveu qui montre que c’est plus profond.
On est face a quelqu’un qui a une grande part de mystère = l’adversaire.
II -
Une enquête
C -
Méthode par empathie
1 -
Y a-t-il une assimilation de Jean Claude à Emmanuel Carrère?
Oui, il reste un mystère à la fin du récit de Jean Claude et Emmanuel Carrère essaye de l’expliquer.
Un mensonge invraisemblable (comme le mien). Il s’identifie à Jean-Claude et «et je me figure bien». Il tente de répondre : «il a partagé son destin, son expérience». En partageant, il ne peut juger.
2 -
Comment Emmanuel Carrère se présente t’-il dans le dernier paragraphe?
La première personne du singulier «?je?» est omniprésente. Les temps sont à l’imparfait. Cela suggère que l’anecdote a eu lieu plusieurs fois alors qu’elle ne s’est passée qu’une fois. Il se présente comme un serial menteur comme s’il était Jean Claude.
«L’Adversaire n’est pas Jean-Claude»
«C’’est à lui que je me suis senti confronté.
III - Le mystère A - Le pourquoi du mystère - B - Le pourquoi du mensonge - C - La littérature face au mystère
III -
Le mystère
A -
Le pourquoi du mystère
1 -
Le mystère est-il accessible?
Non on ne peut pas savoir. «?Circonstances tout à fait spéciales?» = Il fume car il a une cigarette dans sa poche.
Pourquoi a t’-il une cigarette dans sa poche? «?Obligation liée à un mystère?».
Le menteur se fait passer pour un messie. Le menteur est élu par un mystère. La cigarette = micro-miracle.
2 -
Relevez une catachrèse et expliquez
«?Petit cirque?»
Elle a pour but de montrer l’envers du menteur = le menteur se met en scène
III -
Le mystère
B -
Le pourquoi du mensonge
1 -
Les deux mystères cohabitent-ils?
Oui
2 -
Le mensonge et l’aveu vous paraissent-ils fondés?
Non
3 -
Relevez les expressions qui montrent le comble du mystère du mensonge.
Les gens ne se demandent pas pourquoi on ment.
«?Et surtout personne ne prêtait attention à l’incident?»
«?Je restais surpris et déçu de ce qu’aux yeux des autres il ne semblait pas s’être passé autre chose que les gestes habituels d’un fumeur?».
4 -
Théorise t’-il le mensonge en général? Citez pour justifier votre réponse
«?C’est pourquoi… paradoxalement… un menteur s’efforce en général d’être plausible : ce qu’il racontait ne l’étant pas, devait être vrai?».
On peut relever le présent de vérité générale.
5 -
Quelle fonction Emmanuel Carrère accorde t’-il à la littérature dans cet extrait?
Pourquoi raconter des choses non plausibles?
C’est pour répondre à ce mystère du mensonge qu’Emmanuel Carrère fait de la littérature.
Elle peut redonner un sens aux choses. Derrière le mensonge la vérité = Compréhension des maux par les mots = Fonction cathartique, libératrice de l’écriture.
III -
Le mystère
C -
La littérature face au mystère
La littérature et la vérité
1 -
A quoi peut-on assimiler l’adversaire?
A une force intérieure qui nous pousse à mentir.
Le texte éclaire cette part d’ombre pour expliquer le mystère.
2 -
Quel double portrait cet extrait propose t’-il?
- Le portrait du menteur = portrait de Jean-Claude
- Le portrait de soi-même = méthode par empathie = portrait d’Emmanuel Carrère = Autofiction.
Modèle expérimental.
-
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Date de dernière mise à jour : 15/11/2022
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