Analyse littéraire et syntaxique, quiz 2ème extrait, Des coches, III, 6, Montaigne, "Notre monde vient d'en trouver un autre...calamités". EAF 2021
Notre monde vient d'en trouver un autre. Séries générales et technologiques, EAF 2021-La littérature d'idées
Objet d'étude : La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle
Montaigne, "Essais", "Des Cannibales", I, 31 / parcours : Notre monde vient d'en trouver un autre.
Littérature d'idées séries générales et technologiques 2021
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Commentaire littéraire, 1er extrait, Des coches, III, 6, Montaigne, "la plupart de leurs réponses...tant de victoires", EAF 2021-parcours Notre monde vient d'en trouver un autre. Séries générales, technologiques-Littérature d'idées -Commentaires littéraires, linéaires Cannibales I, 31 questions de grammaire pour l'oral
Lecture du texte
Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous garantit que c'est le dernier de ses frères, puisque les Démons, les Sibylles et nous, avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure ?) non moins grand, plein et fourni de membres que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui apprend encore son a, b, c ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettre, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni céréales, ni vignes. Il était encore tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne vivait que par les moyens qu'elle lui fournissait. Si nous concluons bien quand nous disons que nous sommes à la fin de notre monde, et si ce poète fait de même au sujet de la jeunesse de son siècle, cet autre monde ne fera qu'entrer dans la lumière quand le nôtre en sortira. L'univers tombera en paralysie ; l'un des deux membres sera perclus, l'autre en pleine vigueur. Nous aurons très fortement hâté, je le crains, son déclin et sa ruine par notre contagion et nous lui aurons fait payer bien cher nos idées et nos techniques. C'était un monde enfant ; pourtant nous ne l'avons pas fouetté et soumis à notre enseignement en nous servant de l'avantage de notre valeur et de nos forces naturelles ; nous ne l'avons pas non plus séduit par notre justice et notre bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et pertinence. La merveilleuse magnificence des villes de Cuzco et de Mexico, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment façonnés en or, comme, dans son cabinet, tous les animaux qui naissaient dans son État et dans ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierreries, en plume, en coton, dans la peinture, montrent qu'ils ne nous étaient pas non plus inférieurs en habileté. Mais, quant à la dévolution, l'observance des lois, la bonté, la libéralité, la loyauté, la franchise, il nous a bien servi de n'en avoir pas autant qu'eux ; ils se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes. […] Au rebours, nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, cupidité et vers toute sorte d'inhumanité et de cruauté, à l'exemple et sur le modèle de nos mœurs. Qui mit jamais à tel prix le service du commerce et du trafic ? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l'épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre ! Mécaniques victoires ! Jamais l'ambition, jamais les inimités publiques ne poussèrent les hommes les uns contre les autres à des hostilités aussi horribles et à d'aussi misérables calamités.
Michel Ey quem de Montaigne, Essais (III, 6), « Des Coches ».
Cette contestation de la colonisation ainsi que la reconnaissance de la diversité des civilisations trouveront un écho dans la réflexion engagée par les philosophes des lumières deux siècles plus tard
Introduction :
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Etude linéaire du passage "notre monde vient d'en trouver un autre"
Montaigne est un écrivain humaniste du 16ème siècle. Il a fait des études de droit et a été conseiller au parlement. Il a écrit les Essais sous le règne de Henri IV.
Dans son œuvre il aborde tous les types de sujets moraux, philosophiques, psychologiques. L’ homme est au centre des préoccupations des humanistes.
Problématique : Nous verrons comment Montaigne en témoin de son temps, aborde les problèmes liés à ce phénomène nouveau, la colonisation
Ce texte nous permet de voir comment Montaigne, en témoin de son temps, aborde les problèmes liés à ce phénomène nouveau, la colonisation. Nous analyserons d’abord la nature des relations qu’entretiennent les deux civilisations, puis nous nous pencherons sur la manière dont Montaigne prend position à propos du comportement et des jugements des conquérants.
I La nature des relations qu’entretiennent les 2 civilisations
Montaigne met en évidence une évolution dans les relations qu’entretient le Nouveau Monde avec l’Ancien.
a) Un monde enfant -
Il commence à mettre en place l’image du Nouveau Monde à la fois ignorant et innocent comme l’enfant qui vient de naitre. - Dès le début du 1ère paragraphe, les adjectifs coordonnés « si nouveau et si enfant » soulignés par l’intensif « si » font ressortir l’idée de nouveauté et de jeunesse et introduisent la métaphore de l’enfance qui est développée dans la suite du texte et reprise en écho dans l’expression « monde enfant«?.
- De même la proposition consécutive « qu’on lui apprend encore son abc » fait référence à l’univers de la petite enfance - Celui-ci est également sensible dans la formulation « il ne savait ni lettre, ni poids, ni mesure …..ni vignes », dans laquelle la reprise de la négation « ni » insiste sur l’ignorance - Mais, il remarque que cette ignorance est celle des éléments de base des sociétés européennes. - D’autres expressions évoquent par la suite non plus le petit enfant mais le nourrisson dans une sorte de gradation « tout nu dans le giron, sa mère nourricière » .
b) Une relation fraternelle Alors, s’établit tout naturellement une relation d’aîné à cadet entre le conquérant et les indiens. - C’est ce qu’exprime notamment l’expression « un nouveau monde [….] si nouveau et si enfant » relayer par le substantif « frère ». - Certaines symétries viennent confirmer cette idée d’une relation fraternelle - C’est le cas de la conjonctive de temps introduite par « quand », « cet autre monde ne fera qu’entrer dans lumière quand le nôtre en sortira »et du parallélisme « l’un des deux membres sera perdu, l’autre en pleine vigueur » qui insiste sur la décadence de l’Ancien Monde.
c) Des rapports d’autorité
Mais cette relation neutre dérive vers une relation appauvrissant pour ce dernier. Elle implique en effet des rapports d’influence, qui sont constamment connotés négativement comme l’indique le mot « contagion ». - De même les verbes « fouetté », « soumis » et « plier » suggèrent la violence
- Tandis que les négations associées à des termes positifs, « nous ne l’avons pas….soumis…. par l’avantage de notre valeur et de force …par notre magnanimité » soulignent l’absence d’influence positive. - Cette carence est encore exprimée par la comparaison entre le Nouveau Monde et l’Ancien Monde : les formulations « ils ne nous devaient rien « et « ils ne nous étaient pas non plus inférieurs » associées à des termes positifs, mettent en évidence la supériorité du Nouveau Monde dans différents domaines : - Intellectuel (clarté d’esprit », pertinence ») ; esthétique (« magnificence », « beauté », « habilité ») , moral (« dévotion » , « franchise »).
Transition
Montaigne nous présente donc une évolution négative des relations qui unissent les Européens aux Indiens puisque le lien fraternel s’est transformé en une domination par la violence exercée par les premiers sur les autres. Derrière cette présentation se profile une prise de position très nette de la part de Montaigne.
II La prise de position de Montaigne à propos du gouvernement et du jugement des conquérants.
Montaigne dénonce la façon dont les Européens ont colonisé l’Amérique.
a) Une implication très nette Montaigne s’implique dans cet extrait à la fois directement et indirectement. - L’utilisation de la 1ère personne signale sa présence presque constante, cela montre qu’il s’inclue dans les actes qu’il dénonce. - Le seul verbe à la 1ère personne du singulier du texte « je crains?» est connoté négativement et exprime le désaccord de l’auteur avec la conquête telle qu’elle a été faite. Montaigne dénonce en effet la dégradation liée à la présence européenne. La responsabilité des colonisateurs est mise en évidence par plusieurs procédés : - la coordination « et » et les adverbes intensifs « très fortement hâté » et « bien cher » mettent en relief les conséquences de leur domination avec les noms « déclins » et « ruine ». - Cette mise en cause est soulignée par les négations qui traduisent l’absence de légitimité sur tous les plans :
o Militaires « valeur et forces » o Social et psychologique « justice et bonté »
o Moral « magnanimité » - Elle s’exprime aussi dans l’ironie qui clôt le 3ème paragraphe :
o La phrase « il nous a bien servi de n’en avoir pas autant qu’eux » met en évidence un décalage entre deux idées
? Les qualités morales, qu’on souhaite en général n’existent pas et ? Ce que manque est apparemment donné pour un bien.
b) Un tableau du Nouveau Monde
L’idée d’une responsabilité des colonisateurs est par ailleurs accentuée par l’évocation de la grandeur des civilisations précolombiennes. De nombreux termes insistent sur les qualités de ces civilisations précolombiennes, anéanties par les envahisseurs. - Dès le début du texte la métaphore de l’enfance connote une innocence morale. - La fin du texte rejoint le début avec l’énumération des qualités morales diverses :
o « dévotion », « observance des lois », « bonté », « libéralité », « loyauté », « franchise » cet encadrement de l’extrait est insistant. - Dans le second paragraphe, d’autres qualités apparaissent.
o L’association entre les termes « réponses » et ….. « négociations » d’une part , « clarté d’esprit …. et pertinence » d’autre part, font apparaitre des qualités intellectuelles. o Les termes évoquant des villes sont fortement positifs ainsi que le mot « magnificence », à connotation superlative est renforcé par l’adjectif « épouvante », l’adverbe « excellemment » est un superlatif, les noms « or » et beauté » sont également connotés positivement.
o Ces éléments relevant la plupart de l’hyperbole mettent en évidence la valeur esthétique et parallèlement la richesse économique des civilisations du Nouveau monde. - A travers ce tableau en tous points positif Montaigne esquisse des civilisations précolombiennes, transparaît son admiration et a contrario son rejet des modalités de la colonisation qui a entraîné la corruption de ces civilisations.
c) Un réquisitoire virulent A cet égard, c’est dans le dernier paragraphe du texte que la dénonciation se fait la plus forte. L’évocation souriante du monde enfant a laissé place à un réquisitoire véhément et indigné contre les exactions de la conquête. Montaigne conserve le « nous », impliquant son lecteur et le contraignant à son examen de conscience. Tout d’abord l’interrogation oratoire interpelle directement le lecteur « rasé » , « exterminé » , « passé au fil de l’épée »
? dénote la manière dont la colonisation s’est effectuée Et la répétition de « tant » suivi de pluriel insiste sur la barbarie des conquérants « Pour la négociation des perles et des poivres »
? démontre que la violence utilisée s’est mise en place pour des motifs non corrects Gradation des vices démontre une condamnation de l’auteur « luxure » , « avarice » De plus l’utilisation de « inhumain » , « cruauté » montre davantage qu’elle s’est effectuée dans la brutalité la plus totale Montaigne met par conséquent bien en valeur les qualités humaines des Indiens pour mieux dénoncer le comportement et les jugements des conquérants européens.
Conclusion : Montaigne dénonce alors d’une part la brutalité de la conquête. Loin de permettre la rencontre fructueuse des deux civilisations, elle a en effet saccagé le Nouveau Monde, soumis par la force et perverti des esprits restés jusqu’alors proches de la nature. Il présente d’autre part la colonisation comme totalement injustifiée. En faisant l’éloge des civilisations précolombiennes, l’auteur met en effet en cause le principe même de domination culturelle qui motive les conquérants : Au nom de quelle supériorité veulent-ils s’imposer aux indiens ? Cette contestation de la colonisation ainsi que la reconnaissance de la diversité des civilisations trouveront un écho dans la réflexion engagée par les philosophes des lumières deux siècles plus tard.
Les Essais. Des Cannibales. Des Coches
Les Essais, exemplaire de Bordeaux
Illustrations des Essais par Gustave Doré
Les vidéos pour la télévision scolaire parlant de Montaigne (Réseau Canopé)
Une vidéo Gallica sur la numérisation des "Essais" de Montaigne
Billet du blog Gallica "Comment Montaigne écrivait ses Essais : l’Exemplaire de Bordeaux"
La découverte du nouveau monde : réflexion et déplacement de la visée ethnocentrique
Questions sur le commentaire : toutes les réponses sont dans l'étude
I - Questionnaire
A -
Quelle est l’intention de Montaigne dans cet extrait?
Que met-il en place?
Quelle image avons-nous du Nouveau monde?
Que mettent en évidence les adjectifs du premier paragraphe?
L’intensif «?si?» fait-il ressortir l’idée voulue?
Analysez la métaphore, citez et expliquez
Etudiez le champ lexical mis en place
Quelles autres formulations avons-nous de l’univers de la petite enfance?
Comment percevez-vous l’ignorance soulignée par Montaigne des sociétés Européennes?
Relevez une gradation
B -
Quelle relation s’établit ensuite entre le conquérant et l’Indien?
Expliquez et citez le texte
Quelle image l’Ancien monde Montaigne donne t’-il comparativement au Nouveau monde?
C -
Comment la relation évolue t’-elle?
Que marquent les connotations et les expressions péjoratives?
Comment les rapports d’autorité transparaissent-ils?
Relevez une comparaison et analysez la
De quel ordre la supériorité du Nouveau monde est-elle? Citez et expliquez en vous appuyant bien sur les éléments du texte
II - Questionnaire
A -
Montaigne se profile t’-il derrière cette présentation négative de la relation et de la domination des Européens sur les Indiens?
Que dénonce Montaigne?
Comment se manifeste l’implication très nette de Montaigne?
Comment sa présence est-elle signalée?
Comment son désaccord avec la conquête se traduit-elle? Citez
Analysez les procédés qui suggèrent et connotent la responsabilité engagée des Européens colonisateurs
Citez le texte
A quels plans, l’absence de légitimité se manifeste t’-elle?
Comment Montaigne fait-il valoir son ton ironique et dans quel but?
B -
Quel rôle la grandeur des civilisations précolombiennes joue t’-elle?
Comment les qualités de ces civilisations sont-elles mises en avant?
Comment l’innocence morale se dévoile t’-elle?
Relevez l’énumération qui boucle le texte
Etudiez les qualités intellectuelles ajoutées aux qualités morales
Analysez les hyperboles qui contribuent à souligner la valeur esthétique et la richesse économique des civilisation du Nouveau monde
Quel regard Montaigne a t’-il sur le tableau du Nouveau monde et sur les civilisations colonisées?
C -
Quel regard, quelle position et quelle place Montaigne laisse t’-il au lecteur? Citez pour justifier votre réponse
En quel sens peut-on parler d’un réquisitoire virulent?
Comment la violence exercée est-elle selon Montaigne Justifiée?
Etudiez la gradation des vices
Quel effet de contraste renforce la position de Montaigne?
Conclusion :
Montaigne dénonce alors d’une part la brutalité de la conquête. Loin de permettre la rencontre fructueuse des deux civilisations, elle a en effet saccagé le Nouveau Monde, soumis par la force et perverti des esprits restés jusqu’alors proches de la nature. Il présente d’autre part la colonisation comme totalement injustifiée. En faisant l’éloge des civilisations précolombiennes, l’auteur met en effet en cause le principe même de domination culturelle qui motive les conquérants : Au nom de quelle supériorité veulent-ils s’imposer aux indiens ? Cette contestation de la colonisation ainsi que la reconnaissance de la diversité des civilisations trouveront un écho dans la réflexion engagée par les philosophes des lumières deux siècles plus tard.
La découverte du nouveau monde : réflexion et déplacement de la visée ethnocentrique
A quel siècle cette réflexion sera t’-elle de nouveau dans l’esprit des penseurs?
Quels penseurs se pencheront sur cette réflexion? A travers quelles œuvres?
Quel message Montaigne tente t’-il de faire passer? Peut-on parler d’une tentative d’ouverture d’esprit du lecteur? En quoi?
Donner une définition de la tolérance
Donnez une définition de l’ethnocentrisme?
Quel est le point de vue de Diderot dans «?Supplément au voyage de Bougainville?»?
Quel est le point de vue de Montesquieu dans les lettres persanes, lettre 30?
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Support : "notre monde vient d'en trouver un autre... en habileté"
Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous garantit que c'est le dernier de ses frères, puisque les Démons, les Sibylles et nous, avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure ?) non moins grand, plein et fourni de membres que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui apprend encore son a, b, c ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettre, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni céréales, ni vignes. Il était encore tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne vivait que par les moyens qu'elle lui fournissait. Si nous concluons bien quand nous disons que nous sommes à la fin de notre monde, et si ce poète fait de même au sujet de la jeunesse de son siècle, cet autre monde ne fera qu'entrer dans la lumière quand le nôtre en sortira. L'univers tombera en paralysie ; l'un des deux membres sera perclus, l'autre en pleine vigueur. Nous aurons très fortement hâté, je le crains, son déclin et sa ruine par notre contagion et nous lui aurons fait payer bien cher nos idées et nos techniques. C'était un monde enfant ; pourtant nous ne l'avons pas fouetté et soumis à notre enseignement en nous servant de l'avantage de notre valeur et de nos forces naturelles ; nous ne l'avons pas non plus séduit par notre justice et notre bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et pertinence. La merveilleuse magnificence des villes de Cuzco et de Mexico, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment façonnés en or, comme, dans son cabinet, tous les animaux qui naissaient dans son État et dans ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierreries, en plume, en coton, dans la peinture, montrent qu'ils ne nous étaient pas non plus inférieurs en habileté.