Le commentaire linéaire au bac de français - Mise en oeuvre d'explications linéaires et questions grammaticales, EAF

Commentaires linéaires et questions de grammaire, poésie, Lamartine - Littérature d'idées, les Fables, La Fontaine, les Essais, Montaigne- Le roman, La Fayette, la princesse de Clèves.

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Explications linéaires

La Boétie, Discours de la servitude volontaire, la littérature d'idées – Etude linéaire corrigée pour une classe de première et étude transversale

Présentation de l'explication linéaire

Qu’est-ce qu’expliquer un texte au lycée ?

La question est double : elle engage à la fois une réflexion générale sur le sens qu’il y a à pratiquer cet exercice, et une réflexion plus méthodologique sur le protocole à suivre pour cela. Ces deux réflexions sont cependant étroitement liées.

Comment gérer le commentaire linéaire? 

eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Juillet 2019

L’EXPLICATION LINÉAIRE EXEMPLE DE MISE EN ŒUVRE ET PROPOSITIONS DE QUESTIONS GRAMMATICALES

L’EXPLICATION LINÉAIRE EXEMPLE DE MISE EN ŒUVRE ET PROPOSITIONS DE QUESTIONS GRAMMATICALES

eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Juillet 2019

Exemple pour une classe de première :

Lamartine, « L’isolement », Méditations poétiques

– Parcours :

Le premier romantisme

Attendus de l’exercice

• Une analyse argumentée qui suit le mouvement du texte 

• Des remarques qui rendent compte d’une lecture personnelle du texte

  • L’identification d’un enjeu important du passage

On valorisera

• Une attention précise aux choix formels du texte

• La construction d’un propos qui progresse de façon logique

• La capacité à mobiliser sa culture littéraire de façon pertinente pour expliquer le texte

On pénalisera

• La paraphrase qui se contente de raconter le texte sans l’analyser

• La juxtaposition de remarques stylistiques qui ne construisent aucun propos • Un discours trop général (sur le mouvement, l’auteur, le livre…) qui perd le texte de vue 

Mise en œuvre 

Pistes pour une analyse linéaire des sept premières strophes

L’isolement Lamartine, les Méditations poétiques 

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur la plaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;

Il serpente et s’enfonce en un lointain obscur ;

Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes

Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres

Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;

Et le char vaporeux de la reine des ombres

Monte et blanchit déjà les bords de l’horizon.

Cependant, s’élançant de la flèche gothique,

Un son religieux se répand dans les airs :

Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique

Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente

N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;

Je contemple la terre ainsi qu’une âme errante :

Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts. 

De colline en colline en vain portant ma vue,

Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,

Je parcours tous les points de l’immense étendue,

Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,

Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?

Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

 

Introduction :

définir l’enjeu de la lecture

Éléments de contexte

• Les Méditations poétiques sont en 1820 le premier recueil poétique du romantisme français, après un premier développement en prose du mouvement autour de Chateaubriand.

• « L’isolement » est le premier poème du recueil, ce qui lui donne une valeur particulière : il annonce le reste de l’œuvre et présente ainsi la nouveauté de la poésie de Lamartine.

L’unité du passage choisi

• Les sept premières strophes du passage (des quatrains d’alexandrins en rimes croisées, autrement dit une forme assez simple) dressent la description (le « tableau changeant », puis les « doux tableaux ») du paysage à l’intérieur duquel se tient la figure du poète, dans une solitude avouée au dernier vers du passage.

Mouvement du passage

• Les quatre premières strophes font la description du paysage au moment de la fin du jour.

• Les trois strophes suivantes explicitent le regard du poète sur ce paysage : il affirme sa tristesse et au-delà même son indifférence.

Enjeu de l’explication

• Quel lien le texte crée-t-il entre le paysage (extérieur) et la personnalité (intérieure) du poète ?

• Comment la construction du paysage permet-elle au poète d’inventer sa voix et de dessiner sa figure à l’orée du recueil ?

Éléments d’explication linéaire

• Le titre

- Le poème a pour titre un substantif très général, qui semble décrire un état, une condition objective dont rien ne dit qui il concerne : le poète ? l’homme en général ? Le voyageur ? Alphonse de Lamartine ?

• Première strophe

- La strophe dessine la figure d’un poète qui regarde d’en haut un paysage complexe.

- Le rythme est très régulier, avec une superposition des groupes grammaticaux et des ensembles prosodiques.

- La figure du poète, installée au cœur de la strophe (dans les quatrième et cinquième hémistiches), semble à l’arrière-plan par rapport aux éléments du paysage (la montagne, le vieux chêne, la plaine) qui occupent la majorité de la strophe, consacrée au « tableau changeant » du soir qui tombe.

- La strophe oppose – de façon très claire dans le dernier vers – l’immobilité retirée du poète et le mouvement fuyant du monde qu’il regarde.

- On est donc dans un univers qui semble construit selon la perspective d’un regard poétique tourné vers l’extérieur.

• Deuxième strophe

- Ce regard désigne aux lecteurs les différents éléments qui construisent le paysage, structurant la strophe entre « ici » et « là ». - Le monde apparaît comme une totalité vivante : le fleuve, animalisé par les verbes, dessine la ligne de fuite du tableau ; les eaux « dormantes » du lac participent également de cette âme du monde mise en place progressivement par le poème.

- Au mouvement du fleuve s’oppose l’immobilité du lac, rejouant dans le paysage l’opposition esquissée dans la première strophe entre le poète et le monde. - Le soir annoncé dans la première strophe se poursuit ici avec l’évocation de l’étoile.

- La description semble se faire en plusieurs dimensions : non seulement le regard du poète crée de la profondeur, mais à l’horizontalité du lac répond la verticalité du mouvement de l’étoile réfléchie dans le fleuve.

- Un effet de totalité très puissant est mis en place par la substitution des eaux du lac au ciel qu’elles reflètent : le lecteur se retrouve dans un univers très homogène et enveloppant.

Troisième strophe

- Le tableau se complète encore, comme si le regard du poète continuait de faire le tour de ce paysage nocturne.

- Le vieil arbre de la première strophe trouve un écho dans les « bois sombres » où s’anticipe – par l’effet de rime – la mention de la nuit qui s’élève : au fur et à mesure que le lecteur avance dans sa lecture, le soleil disparaît et la nuit s’impose. Si le paysage est ainsi changeant, c’est qu’il correspond à un moment de la journée emblématique de la fugacité du monde, le crépuscule. - Cette strophe fait bien apparaître la grandeur du paysage, avec les forêts qui « couronn[ent] » les monts.

- Cette noblesse se traduit aussi par la périphrase très codée et très datée de « la reine des ombres » et de son « char vaporeux » pour désigner la lune et les nuages. Rimbaud parlera de la « forme vieille » qui « étrangl[e] » encore Lamartine : cette strophe montre la subsistance de l’influence néo-classique sur le jeune Lamartine, qui pourtant lutte contre elle en simplifiant son écriture pour donner l’impression d’une expression sincère et directe du sentiment.

Quatrième strophe

- La strophe suivante reste attachée à cette hauteur, à cette verticalité omniprésente dans le poème et que balance régulièrement une forme d’horizontalité réaffirmée.

- Mais après les éléments picturaux – et peut-être parce que la nuit semble maintenant tombée et que le paysage disparaît ou s’estompe – ce sont des éléments sonores qui apparaissent, avec le son des cloches d’une église gothique. Le poème mobilise ici, comme souvent dans le romantisme (aussi bien littéraire que pictural), un imaginaire médiéval et religieux, pour compléter la scène.

- La grande simplicité de la scène affirme à nouveau la profonde cohérence de cet univers qui semble vibrer d’une musique omniprésente (les « saints concerts » des vêpres riment avec « les airs »), et rien ne semble échapper à cet instant de cohésion du monde, pas même le « voyageur » qui semblait devoir figurer le caractère éphémère de la vie humaine.

Cinquième strophe

- Le « mais » initial marque un tournant dans le texte : le poème évoque la rupture entre ce monde, qui semblait habité par une promesse de paix et de cohérence, et le poète.

- S’explique ici l’impersonnalité du titre choisi, avec cette « âme indifférente » du poète (capable cependant de noter que le monde est composé de « doux tableaux »).

- Ce n’est donc pas l’émotion face au monde qui fait écrire le poète ; ce n’est pas la beauté de l’univers qui semble pouvoir le « charme[r] » ou le « transport[er] ». Au contraire, il semble écrire depuis une position de retrait radicale : ce qui lui permet de « contempl[er] la terre », c’est bien d’être séparé d’elle. Ce n’est pas seulement qu’il est en hauteur, c’est qu’il est « une âme errante » (la figure du voyageur est ainsi radicalisée de façon inquiétante) et même – comme le dit la chute de la strophe – un « mort », un fantôme.

- Ce dernier vers synthétise en une formule frappante toute une série d’éléments du poème : la nuit qui tombe sur l’univers apparaît ainsi comme le signe de la mort sous lequel existe désormais le poète.

Sixième strophe

- Si le mouvement du regard amorcé dans la première strophe est repris ici, il se retourne contre lui-même et aboutit à un échec. Le second hémistiche, construit sur l’écho sonore entre « en vain » et « ma vue », mais plus généralement les rythmes binaires omniprésents dans la strophe, semblent enfermer le poète dans un univers qui se défait sous son regard.

- La prise de parole marquée par le discours direct du dernier vers, en mettant en scène le discours du poète dans le poème, glose l’« indifférence » de la strophe précédente par l’affirmation de l’absence de bonheur.

- Le cosmos évoqué dans les strophes précédentes, et repris par l’accumulation de rythmes binaires omniprésents dans les deux premiers vers, synthétisé par le rappel de « tous les points » au troisième vers, se voit annulé par le « nulle part » dramatisé énonciativement au quatrième vers. Pour la voix fantomatique du poète, l’univers entier semble échapper. La fugacité de l’univers devient la sensation partagée avec le lecteur.

• Septième strophe

- Aux effets binaires succède un rythme ternaire, à l’effet de totalité marqué : le poète continue ainsi à décliner cette idée de la vanité du monde.

- La prise de parole directe – qui relègue le monde au second plan en rompant avec la logique descriptive des premières strophes – se poursuit avec des phrases interrogatives et exclamatives qui affirment la déprise du monde caractéristique du poète.

- Les rythmes prosodiques permettent à l’écriture par apposition de mimer cette destruction du monde opérée par le poète : « ces vallons, ces palais, ces chimères » sont repris par l’expression de « vains objets », comme les « fleuves, rochers, forêts » apparaissent comme autant de « solitudes ».

- Le dernier vers du passage donne la clef de cette mort qui caractérise la voix poétique : il a perdu l’être aimé. La forte opposition rhétorique « un seul »/« et tout » dramatise cet « isolement » du poète privé du seul être qui rendait pour lui le monde habitable

Conclusion

- L’isolement et le retrait deviennent ainsi, à l’orée du recueil, des caractéristiques du poète endeuillé, marqué par la perte de l’être aimé, et l’entrée dans la nuit d’un paysage qui n’est peint que pour être « absenté » ne laisse de cette figure que la voix élégiaque : le « je » du poète parle paradoxalement pour marquer sa solitude, pour prendre congé du monde voire lui donner congé. Mais le tableau lui-même est déjà construit selon un mouvement de fuite : il s’évanouit sous le regard du poète, avant même d’être assombri par la nuit

Quelques propositions pour la question de grammaire

Quelques propositions pour la question de grammaire

Proposition n°1

Vers 25-26 : « Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? »

Analysez l’expression de l’interrogation dans cette phrase.

• On attend du candidat

- qu’il identifie le type de la phrase – interrogative directe, marquée par la ponctuation en fin de phrase et la post-position du sujet (« ces vallons, ces palais, ces chaumières »), et qu’il en définisse et justifie le caractère partiel ;

- qu’il identifie la nature et la fonction du pronom interrogatif « que », complément d’objet direct du verbe « font ».

• On n’attend pas du candidat

- qu’il analyse l’apposition qui se développe par la proposition relative au vers 26.

Proposition n°2

Vers 23-24 : « Je parcours tous les points de l’immense étendue, Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend. »

Analysez la négation dans le vers 24.

• On attend du candidat

- qu’il identifie la construction « Nulle part ... ne » ; - qu’il reconnaisse le caractère partiel de la négation. On peut l’encourager à transformer la phrase pour l’aider à trouver ce sur quoi porte la négation.

• On n’attend pas du candidat qu’il dise quelle est la nature de « nulle part », locution adverbiale.

Proposition n°3

Vers 19 : « Je contemple la terre ainsi qu’une âme errante »

Transformez cette phrase de manière à faire apparaître une proposition principale et une proposition subordonnée circonstancielle de comparaison. Expliquez les transformations que vous avez opérées.

• On attend du candidat

- qu’il propose une transformation acceptable, par exemple : Je contemple la terre ainsi que le ferait une âme errante, ou comme le ferait une âme errante, ou de même que le ferait ... ; - qu’il explique la transformation en indiquant qu’il a introduit un verbe dans la seconde partie de la phrase, « ainsi que », « comme » ou « de même que » étant des locutions conjonctives ou conjonctions de subordination.

• On n’attend pas du candidat qu’il définisse le sémantisme de la comparaison (conformité), ni qu’il s’interroge sur l’ellipse du verbe dans le système comparatif initial.

Proposition n°4

Vers 28 : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. »

Transformez cette phrase de manière à obtenir une proposition principale et une proposition subordonnée circonstancielle ; identifiez la proposition subordonnée ; expliquez les transformations que vous avez opérées.

• On attend du candidat

- qu’il propose une transformation acceptable, par exemple : Un seul être vous manque, si bien que tout est dépeuplé ; Parce qu’un seul être vous manque, tout est dépeuplé ; Quand un seul être vous manque, tout est dépeuplé ; Si un seul être vous manque, tout est dépeuplé ;

- qu’il délimite la subordonnée et en précise le type ; qu’il explique les transformations qu’il a faites.

• On n’attend pas du candidat qu’il analyse la valeur de la conjonction de coordination « et » dans le vers de Lamartine.

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Date de dernière mise à jour : 25/03/2023

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