Annales de français 2004, sujet de remplacement toutes séries. Objet d'étude, la poésie

Bac

 

Objets d'étude :  La poésie - Convaincre, persuader et délibérer.

Annales bac de français 2004

Sujet de remplacement toutes séries 

 

 

Objets d'étude :  La poésie - Convaincre, persuader et délibérer.
 

Corpus de textes 
Texte A : « La chanson des Canuts » (1831)
Texte B : Victor Hugo (1802-1885), Châtiments (1853), « Le Manteau Impérial »
Texte C : Pierre Emmanuel (1916-1984), Jour de colère (1942), « Hymne de la liberté »
Annexe : Jean-Paul Sartre (1905-1980), Qu'est-ce que la littérature ? (1948).

 

 

  « La chanson des Canuts » (1831).

 [Écrite à l'occasion de l'insurrection, en 1831, des ouvriers qui tissaient la soie à Lyon.*]

Pour chanter «Veni Creator,
Il faut une chasuble2 d'or. (bis)
Nous en tissons pour vous, grands de l'Église,
Et nous, pauvres canuts n'avons pas de chemise.
C'est nous les canuts
Nous sommes tout nus (bis).

Pour gouverner, il faut avoir
Manteaux ou rubans en sautoir3 (bis)
Nous en tissons pour vous, grands de la terre
Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre.
C'est nous les canuts
Nous sommes tout nus (bis).

Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira
Alors nous tisserons le linceul4 du vieux monde
Car on entend déjà la révolte qui gronde.
C'est nous les canuts
Nous sommes tout nus,
C'est nous les canuts
Nous n'irons plus nus.

* en fait, le texte donné ici est celui de la chanson composée par Aristide Bruant en 1910 (NdE).

1."Viens Créateur" : c'est le début d'un chant religieux très connu.
2. chasuble : vêtement utilisé par le prêtre pour célébrer le culte, en particulier lors des grandes fêtes.
3. en sautoir : autour du cou descendant sur la poitrine.
4. 
linceul : pièce de tissu qui enveloppe les morts.

 

 Victor Hugo (1802-1885), Châtiments (1853), « Le manteau impérial ».

[Victor Hugo s'est opposé au pouvoir personnel de Louis-Napoléon Bonaparte. Il a écrit ce poème au moment où celui-ci se fait sacrer empereur sous le nom de Napoléon III. Le manteau du sacre de Napoléon Ier était décoré d'abeilles.]

  Oh ! vous dont le travail est joie,
Vous qui n'avez pas d'autre proie
Que les parfums, souffles du ciel,
Vous qui fuyez quand vient décembre,
Vous qui dérobez aux fleurs l'ambre
Pour donner aux hommes le miel,

Chastes buveuses de rosée,
Qui, pareilles à l'épousée,
Visitez le lys du coteau1,
Ô sœurs des corolles vermeilles,
Filles de la lumière, abeilles,
Envolez-vous de ce manteau !

Ruez-vous sur l'homme, guerrières !
Ô généreuses ouvrières,
Vous le devoir, vous la vertu,
Ailes d'or et flèches de flamme,
Tourbillonnez sur cet infâme !
Dites-lui : - « Pour qui nous prends-tu ?

« Maudit ! nous sommes les abeilles !
« Des chalets ombragés de treilles
« Notre ruche orne le fronton ;
« Nous volons, dans l'azur écloses,
« Sur la bouche ouverte des roses
« Et sur les lèvres de Platon2.

« Ce qui sort de la fange y rentre.
« Va trouver Tibère3 en son antre,
« Et Charles neuf sur son balcon4.
« Va ! sur ta pourpre il faut qu'on mette,
« Non les abeilles de l'Hymette5,
« Mais l'essaim noir de Montfaucon5 !»

Et percez-le toutes ensemble,
Faites honte au peuple qui tremble,
Aveuglez l'immonde trompeur,
Acharnez-vous sur lui, farouches,
Et qu'il soit chassé par les mouches
Puisque les hommes en ont peur !

1.Dans un texte de la Bible, l'épousée attend son bien-aimé qui cueille des lys. Cette fleur devint plus tard le symbole de la monarchie.
2. Une légende veut que des abeilles se soient posées sur la bouche du jeune Platon (le grand philosophe grec) endormi.
3. Empereur romain considéré comme un tyran.
4. Le roi Charles IX aurait contemplé le massacre des protestants le jour de la Saint Barthélemy du haut de son balcon.
5. L'Hymette est une montagne des environs d'Athènes, renommée pour son miel.
   A Montfaucon était dressé le plus célèbre gibet de Paris. Les cadavres des pendus attirent les mouches !

 

 Pierre Emmanuel (1916-1984), Jour de colère (1942), « Hymne de la Liberté ».

[…]
 O mes frères dans les prisons vous êtes libres
Libres les yeux brûlés les membres enchaînés
Le visage troué les lèvres mutilées
Vous êtes ces arbres violents et torturés
Qui croissent plus puissants parce qu’on les émonde
Et sur tout le pays d’humaine destinée
Votre regard d’hommes vrais est sans limites
Votre silence est la paix terrible de l’éther1.
Par-dessus les tyrans enroués de mutisme
Il y a la nef silencieuse de vos mains
Par-dessus l’ordre dérisoire des tyrans
Il y a l’ordre des nuées et des cieux vastes
Il y a la respiration des monts très bleus
Il y a les libres lointains de la prière
Il y a les larges fronts qui ne se courbent pas
Il y a les astres dans la liberté de leur essence
Il y a les immenses moissons du devenir
Il y a dans les tyrans une angoisse fatale
Qui est la liberté effroyable de Dieu.

1.  éther : désignation poétique des cieux.

 

Annexe : Jean-Paul Sartre, (1905-1980), Qu’est-ce que la littérature ? (1948)

 [Chantre de l’engagement en littérature, Sartre distingue dans cet essai philosophique le rôle respectif que doivent jouer poésie et prose].

 Sans doute l’émotion, la passion même – et pourquoi pas la colère, l’indignation sociale, la haine politique – sont à l’origine du poème. Mais elles ne s’y expriment pas, comme dans un pamphlet ou dans une confession. A mesure que le prosateur expose des sentiments, il les éclaircit ; pour le poète, au contraire, s’il coule ses passions dans son poème, il cesse de les reconnaître : les mots les prennent, s’en pénètrent et les métamorphosent : ils ne les signifient pas, même à ses yeux. L’émotion est devenue chose, elle a maintenant l’opacité des choses ; elle est brouillée par les propriétés ambiguës des vocables où on l’a enfermée. Et surtout, il y a toujours beaucoup plus, dans chaque phrase, dans chaque vers, comme il y a dans ce ciel jaune au-dessus du Golgotha1 plus qu’une simple angoisse. Le mot, la phrase-chose, inépuisables comme des choses, débordent de partout le sentiment qui les a suscités. Comment espérer qu’on provoquera l’indignation ou l’enthousiasme politique du lecteur quand précisément on le retire de la condition humaine et qu’on l’invite à considérer, avec les yeux de Dieu, le langage à l’envers ? « Vous oubliez, me dira-t-on, les poètes de la Résistance. Vous oubliez Pierre Emmanuel2.» Hé ! non : j’allais justement vous les citer à l’appui. […]

1. Allusion à un tableau du Tintoret (1518-1594), peintre vénitien qui a représenté la mort du Christ sur le mont Golgotha.
2. cf texte C.

 

ÉCRITURE

I . Vous répondrez d'abord à la question suivante : (4 points)
  Que dénoncent les textes A, B et C du corpus ?
  Vous prendrez appui, dans une réponse argumentée, sur des citations précises.

Il. Vous traiterez ensuite, au choix l'un des sujets suivants : (16 points)

Commentaire
Vous commenterez le poème de Pierre Emmanuel (texte C).

Dissertation
L'écriture poétique vous paraît-elle apte à convaincre le lecteur, à susciter son engagement, ou pensez-vous comme Sartre qu'elle brouille le message ?
Vous répondrez à cette question en un développement composé, prenant appui sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés en classe ainsi que sur vos lectures personnelles.

Invention
L'usage de la poésie et de la chanson dans les débats de société a pu être contesté. Vous en discutez avec un camarade. L'un d'entre vous trouvera cet usage légitime, l'autre non.
Rédigez ce dialogue.

 
 
 
 

Date de dernière mise à jour : 01/04/2021

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