Sujets corrigés de l'épreuve anticipée de français 2023, bac général, métropole. Corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve

Sujets corrigés du bac de français en ligne le 15 juin 2023 pour évaluer votre copie, consultez les corrections du site et les éléments de correction académiques

Bac 2023

Sujets du bac général de français 2023

Epreuve : BAC Général 

Matière : Français

Classe : Première

Centre : Métropole

Date : 15 juin 2023

Heure : 8h00

Durée : 4h

Coefficient : 5

 

Le baccalauréat général

Vous aurez à choisir entre la dissertation ou un commentaire de texte. Contrairement au commentaire, l'exercice de la dissertation portera sur une oeuvre du programme de l'année scolaire.

Le commentaire porte sur un texte littéraire en lien avec un des objets d'étude du programme de la classe de première sans être un extrait d'une des œuvres au programme.

La dissertation reste une réflexion personnelle sur une question littéraire portant sur l'une des œuvres du programme.

L'épreuve écrite dure 4 heures et représente un coefficient 5 pour tous les candidats.

 

 

 

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Bac francais b g 2023Bac francais b g 2023 (48.21 Ko)

Commentaire de texte :
Lecture du sujet

Objet d'étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Vous commenterez le texte suivant :

Denis DIDEROT, Salon de 1767.

Diderot n’est pas seulement l’homme de L’Encyclopédie ; il est aussi critique d’art. De 1759 à 1781, il rend compte de l’exposition de peinture de Paris, qui se tient tous les deux ans et qu’on appelle Salon. En 1767, il commente un tableau d’Hubert Robert, Grande Galerie antique, éclairée du fond, et exprime les sentiments que lui inspire sa contemplation.

     Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure. Qu’il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités. De quelque part que je jette les yeux, les objets qui m’entourent m’annoncent une fin, et me résignent à celle qui 5 m’attend. Qu’est-ce que mon existence éphémère, en comparaison de celle de ce rocher qui s’affaisse, de ce vallon qui se creuse, de cette forêt qui chancelle, de ces masses suspendues au-dessus de ma tête, et qui s’ébranlent ? Je vois le marbre des tombeaux tomber en poussière ; et je ne veux pas mourir ! et j’envie un faible tissu de fibres et de chair à une loi générale qui s’exécute sur le bronze ! Un torrent entraîne 10 les nations les unes sur les autres, au fond d’un abîme commun ; moi, moi seul, je prétends m’arrêter sur le bord, et fendre le flot qui coule à mes côtés ! Si le lieu d’une ruine est périlleux, je frémis. Si je m’y promets le secret et la sécurité, je suis plus libre, plus seul, plus à moi, plus près de moi. C’est là que j’appelle mon ami. C’est là que je regrette mon amie. C’est là que nous jouirons de nous sans 15 trouble, sans témoins, sans importuns, sans jaloux. C’est là que je sonde mon cœur. C’est là que j’interroge le sien, que je m’alarme et me rassure. De ce lien, jusqu’aux habitants des villes, jusqu’aux demeures du tumulte, au séjour de l’intérêt des passions, des vices, des crimes, des préjugés, des erreurs, il y a loin. Si mon âme est prévenue d’un sentiment tendre, je m’y livrerai sans gêne. Si 20 mon cœur est calme, je goûterai toute la douceur de son repos. Dans cet asile désert, solitaire et vaste, je n’entends rien, j’ai rompu avec tous les embarras de la vie. Personne ne me presse et ne m’écoute. Je puis me parler tout haut, m’affliger, verser des larmes sans contrainte.

 

Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

Le candidat traite au choix, compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, l’un des trois sujets suivants :

Sujet A

Œuvre : Abbé Prévost, Manon Lescaut.

Parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Manon Lescaut, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle

Sujet B

Œuvre : Balzac, La Peau de chagrin.

Parcours : les romans de l'énergie : création et destruction.

Peut-on lire La Peau de chagrin comme le tableau d’un monde exténué ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur La Peau de chagrin, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.

Sujet C

Œuvre : Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne.

Parcours : la célébration du monde.

Peut-on considérer Sido et Les Vrilles de la vigne comme des œuvres de l’émerveillement ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Sido et Les Vrilles de la Vigne, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle

 

 

Correction de la dissertation 

Sujet C Parcours : la célébration du monde. Peut-on considérer Sido et Les Vrilles de la vigne comme des œuvres de l’émerveillement ?

Sujet C

Œuvre : Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne.

Parcours : la célébration du monde.

Peut-on considérer Sido et Les Vrilles de la vigne comme des œuvres de l’émerveillement ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Sido et Les Vrilles de la Vigne, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle

 

 

Thèmes à étudier : 

Le thème de l'émerveillement, célébration, nature

Une oeuvre de l’émerveillement est une oeuvre qui suscite l’émerveillement chez le lecteur. L’émerveillement est un étonnement qui peut être suscité par la beauté, la grandeur, l’originalité - Nom masculin singulier : Fait de s'émerveiller, d'être émerveillé; admiration, étonnement.

Il s'agit de réfléchir sur la nature des deux oeuvres de Colette et d'en analyser l'enjeu principal : le rapport intime au monde 

Problématique possible : 

Dans quelle mesure les oeuvres de Sido et Les Vrilles de la vigne peuvent-être considérées comme des œuvres de l’émerveillement ?

 

I - Le monde est un spectacle d'émerveillement

1 - Célébration de la nature 

- La nature est  omniprésente et foisonnante, sauvage ou maîtrisée dans les jardins qui sont façonnés par Sido. 

« Car Sido aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la Croix-de-Malte, des hortensias et des bâtons de Saint-Jacques, et même le coqueret alkékenge… »

- La vie de Colette est tournée vers la nature généreuse, elle la célèbre. Quelle que soit la saison, une activité s’y déroule. La nature est objet de tous les émerveillements possibles 

« Ce sont les verdures éternelles du Midi qui permettent de discerner le passage des saisons ».

- Le regard émerveillé de Colette sur la nature vient de sa mère : une scène qui témoigne de l’adoration de sa mère pour la nature : la scène du merle

sa mère admire la beauté du merle sans jamais le chasser pour éviter qu'il ne mange les cerises, « Qu’il est beau ! », « Et tu vois comme il se sert de sa patte ? Et tu vois les mouvements de sa tête et cette arrogance ? Et ce tour de bec pour vider le noyau ? »

2 -  Capter la beauté du monde et savoir s'émerveiller 

- Colette veut célébrer le vivant et la nature, elle rend un hommage vibrant à chaque instant de sa vie. Le banal, le quotidien est prétexte à célébration. Il faut savoir regarder le monde et à s’émerveiller.

« Chut ! Regarde ».

- « recréer » par les mots et entendre la musique du monde : La célébration devient chant, émerveillement. Les descriptions sont nourries de notions sensorielles qui créent de véritables synesthésies.

Dans « Jour gris », Colette célèbre le pays de son enfance : « C’est une forêt ancienne, oubliée des hommes… et toute pareille au paradis, écoute bien car… »

II -  Une écriture qui réhabilite l'émerveillement de l'enfance et de la figure maternelle 

1 - La figure maternelle 

- Le lecteur est alors plongé dans le monde de l’enfance dans lequel sont évoquées des figures chères, en particulier la figure maternelle. Sido, personnage éponyme est présentée comme une mère inspiratrice et pleine de charisme, un être singulier dans son rapport à la nature, capable de fusionner avec la nature et de s'y confondre totalement. Elle transmet son savoir à sa fille qui la considère comme un modèle. Elle en fait entendre la voix maternelle dès l'incipit de Sido. 

 « Ma mère me laissait partir après m’avoir nommée ‘Beauté, Joyau-tout-en-or’ ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, -‘chef d’œuvre’, disait-elle ». 

2 - Nostalgie de l'enfance. 

Le texte d’ouverture des Vrilles évoque un rossignol qui a failli mourir prisonnier des vrilles.  Une célébration de l'enfance qui n'est pas sans mélancolie. 

 «Ô violettes de mon enfance ». 

III - Le regard de Colette sur le monde 

1 - Célébration des êtres chers

- Elle fait  entendre la voix maternelle dès l’incipit de Sido puis elle évoque sa famille, le père, le capitaine Colette à qui elle consacre un chapitre et dont la figure paternelle est un hommage. Elle fait également revivre ses frères, "Les Sauvages" par le pouvoir des mots, on les découvre. 

 La fratrie est présente dans Sido, œuvre de la maturité : Colette a cinquante-sept ans, elle fait revivre ses frères, « Les Sauvages », grâce à la puissance évocatrice de l’écriture. Ces derniers sont décrits comme ayant des tempéraments très différents et des sensibilités éloignées.

-  Son regard et sa célébration se portent aussi sur les anaimaux qui ont marqué la vie de Colette. 

 Toby-Chien ou de Kiki-La- Doucette « Tu oserais dire ma vie inutile ?… Tu n’auras pas de pâtée, ce soir ! ». 

 - Relations amicales ou amoureuses

Colette prend plaisir à décrire ce que fut son monde. Les Vrilles de la vigne s’attache à célébrer les relations adultes amicales ou amoureuses (Missy l’amante adorée, la sœur, la mère de substitution ou Willy, l’ex-mari).

2 - Recréer ce monde de l'enfance : une écriture salvatrice

 Les mots retranscrivent son monde que Colette sacralise par l'écriture à la manière de Proust dans le but de retrouver le temps passé, un temps qui n'est plus. Le monde à célébrer est celui du passé.  

Peut-on lire La Peau de chagrin comme le tableau d’un monde exténué ?

Sujet B

Œuvre : Balzac, La Peau de chagrin.

Parcours : les romans de l'énergie : création et destruction.

Peut-on lire La Peau de chagrin comme le tableau d’un monde exténué ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur La Peau de chagrin, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.

 

 

"Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort : VOULOIR ET POUVOIR. Entre ces deux termes de l’action humaine, il est une autre formule dont s’emparent les sages, et je lui dois le bonheur et ma longévité. Vouloir nous brûle, et pouvoir nous détruit ; mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme." Cette citation de Balzac nous amène à nous interroger sur le sens de la lecture de son roman La Peau de chagrin. Devons-nous le lire comme le tableau d'un monde exténué? 

La Peau de chagrin raconte l’histoire de Raphaël, un jeune homme désillusionné qui fait la découverte d'un talisman magique capable de réaliser tous ses désirs, cependant, il y un prix à payer. Le jeune Raphaël de Valentin, après avoir perdu son dernier sou au jeu, a l'intention de se suicider. Il entre par hasard chez un antiquaire, où un vieil homme lui montre alors une « peau de chagrin » ayant le pouvoir d'exaucer tous les vœux  - Chaque désir exaucé fera diminuer la taille de cette peau, symbole de sa vie. Le jeune homme accepte ce pacte diabolique, trop désespéré pour bien mesurer les mises en garde de l'antiquaire.

Problématique : comment le roman La Peau de chagrin montre-t-il une société qui s’épuise dans le débordement d’énergie vitale? 

 

I - L'épuisement dans la peau de chagrin

1 - Un monde exténué

- Raphaël, un héros désabusé. Il est présenté comme un jeune homme sans but représentant ainsi la jeunesse de l'époque dans un monde en crise. 

- La dégradation progressive de la peau de chagrin à chaque désir exaucé de Raphaël symbolise une soif de pouvoir. Les désirs sans cesse renouvelés sont réalisés sans se soucier des conséquences, cela reflète la recherche d'un bonheur immédiat, matériel - Cette avidité et quête de richesse fait écho à la société de l'époque. 

2 - La peau de chagrin : la métaphore d'un monde exténué 

- Le pacte ouvre un infini de possibles

En lien avec le parcours, « création et destruction », Raphaël peut tout faire, tout avoir mais à quel prix? chaque fois qu’un souhait est exaucé, la peau du talisman se rétrécit, rapprochant la mort de Raphaël. Au fur et à mesure les désirs de Raphaël le consomment et la peau de chagrin se dégrade. Cette progression du roman est associée à la destruction progressive de sa vie. 

 - La métaphore du monde exténué : la peau de chagrin, une dégradation progressive 

- « je suis riche, je peux vous acheter tous […] je suis pape. […] je peux te tuer ! Silence je suis Néron ! » « [j’ai] L’univers à moi. »

- Il « peut » tout vouloir par la magie du talisman, par le pacte diabolique. Le pouvoir apparemment illimité conféré par la Peau ne va pas de pair avec une énergie illimitée.

« Le monde lui appartenait, il pouvait tout et ne voulait plus rien. Comme un voyageur au milieu du désert, il avait un peu d'eau pour la soif et devait mesurer sa vie au nombre des gorgées. Il voyait ce que chaque désir devait lui coûter de jours

II  - La fiction au service de la dénonciation

1 - Le pacte avec le diable 

L'énergie, dans le système balzacien, représente la force même de la vie, le pouvoir de la création ; mais elle possède aussi le pouvoir de détruire, de désorganiser et de défaire. 

Derrière le conte fantastique se retrouve le thème classique du pacte avec le Diable : « Je t'offre la réalisation de tes désirs contre ta vie ou ton âme. » Il rappelle au lecteur que toute chose a un prix et que le bonheur perpétuel n'existe pas. Un choix est indispensable entre vivre plus intensément moins longtemps, et moins intensément plus longtemps. C'est d'ailleurs l'objet de la discussion entre Raphaël de Valentin et l'antiquaire sans âge qui lui offre la peau.

2 - Le bonheur est impossible 

- La dégradation de la peau de chagrin symbolise l'épuisement de la vie de Raphaël et fait écho à la société elle-même. Ses désirs entraînent l'épuisement des ressources du talisman à l'image des ressources du monde car c'est une critique matérialiste de son époque  que Balzac propose au lecteur. Il s'agit de souligner les conséquences destructrices de la quête incessante d'un bonheur matérialiste. Raphaël incarne ce tableau d'un monde exténué. La course effrénée de Raphaël produit l'effet inverse de celui recherché. C'est une réflexion sur les conséquences très lourdes de la société matérialiste et du bonheur matériel recherché par tout un chacun qui épuise les ressources à l'image du talisman pour enfin conduire à la destruction. L'engagement de Balzac est explicite à travers cette dénonciation des dangers faisant de son roman La Peau de chagrin le tableau d'un monde exténué. 

III - La Peau de chagrin, le récit d'un monde fermé 

 - ne rien faire devient un ressort romanesque : un élan initial de retrait du monde

- Raphaël « n’[a] rien fait », c’est le héros à rebours d’un roman de formation. C'est un personnage hors du monde de son temps, rétif aux sorties mondaines, au jeu social. Le récit de ses années de jeunesse est paradoxalement la description d’un long repli, la vie avec Pauline marquant une forme de réclusion volontaire (« une circumnavigation dans ma chambre ») au nom de l’art. Même l’épisode de la liaison avec Foedora est marqué dès le début par son aspect fermé et stérile : « [femme] qui ne veut de personne ou de qui personne ne veut »; tous  les désirs sont réalisés immédiatement, ou annihilés par l’ironie (« Au diable la mort ! s’écria-t-il en brandissant la Peau »), ce qui est significatif du parcours peu réaliste et ambitieux du personnage. La fiction a pour moteur de « ne plus rien faire », ne plus désirer pour survivre.  Pour contourner le pacte, il se sert des déguisements et des subterfuges les plus insolites : lunettes brouillées, Peau « repassée ». Raphaël raconte le renoncement aux désirs de la vie  « ma vie a été une cruelle antithèse ». Le suicide est  paradoxalement matérialisé par la Peau qui le tue peu à peu, et qui prolonge son élan initial de retrait du monde

Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?

Sujet A

Œuvre : Abbé Prévost, Manon Lescaut.

Parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Manon Lescaut, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle

 

 

 

Eléments de correction académiques 

Correction du commentaire 

Éléments de correction

Cet extrait, tiré de Salon de 1767, appartient à la longue étude que Diderot fait d’un tableau d’Hubert Robert. Après avoir rigoureusement décrit la toile, il s’emploie à exposer un jugement esthétique qu’il élabore grâce à l’analyse de ses émotions et de la relation toute personnelle qu’il noue avec l’œuvre et ce qu’elle exprime du rapport au temps. La connaissance du tableau sur lequel s’interroge Diderot n’est pas nécessaire, et plusieurs parcours de lecture sont envisageable ; le candidat peut retenir la dimension lyrique et émotionnelle du passage ; il pourra aussi bien s’attacher à l’étude de la tension à l’œuvre dans le texte entre imagination et jugement esthétique ; un parcours centré sur le dévoilement intime de Diderot spectateur est parfaitement recevable.

Nous proposons de développer l’idée que Diderot exprime ici un jugement esthétique que modèlent l’imagination et l’émotion, en même temps qu’une réflexion sur la fuite du temps.

I - Une réflexion esthétique

Le passage s’intègre dans un long article du Salon de 1767 ; l’un de ses enjeux est donc d’exposer ce qui, aux yeux du critique qu’est Diderot, fait l’intérêt et la valeur du tableau qu’il observe.

 Le souci du vrai

Diderot se laisse emporter par un tableau dont la qualité picturale lui fait confondre représentation et réalité : le tableau de Robert figurant des ruines a disparu dès la première ligne, au profit des ruines elles-mêmes. Le même phénomène se constate au début du paragraphe 2 : « la ruine » évoquée semble authentique et tangible, véritable « lieu » où l’on peut se ressourcer. Diderot insiste sur sa matérialité par des adverbes de lieu (« c’est là »), des déictiques (« ce lieu ») ; l’abondance des notations renvoyant à la nature, le rocher, le vallon, le torrent impétueux et l’évocation, par contraste, des espaces urbains, sont autant d’éléments qui à ses yeux confirment l’existence géographique des ruines comme « lieu » et la confusion entre le tableau et le réel.

 L’intentionalité

Un tableau doit, par son expressivité, provoquer chez son spectateur une réflexion. Cette réflexion peut être philosophique : le premier paragraphe pose les « idées » que suscitent les ruines, et développe une méditation sur le temps et la condition humaine. Elle peut aussi être morale ; le troisième paragraphe dresse le panorama de l’espace des hommes : il se caractérise par le bruit (« tumulte »), la cupidité (« intérêt »), et tous les « embarras de la vie » : « des passions, des vices, des crimes, des préjugés, des erreurs ». L’énumération sur laquelle le paragraphe s’achève amplifie les turpitudes morales du monde. A l’opposé, l’espace des ruines, lieu apparemment placé sous le signe du retranchement (comme le montre la répétition de la préposition privative « sans » : « sans trouble, sans témoins, sans importuns, sans jaloux »), apparaît au contraire comme associé aux valeurs morales : la sincérité du cœur, l’amour et l’amitié, la douceur de l’âme. Le but du tableau est d’élever « l’âme » et de favoriser la transparence du cœur : il permet l’épanchement de la sensibilité.

Le sensible

Un tableau doit susciter l’émotion de son spectateur. Diderot est le propre exemple de l’efficacité du tableau de Robert ; il exprime le spectre des émotions par lequel il passe, d’une palpitation (« je frémis »), à un sentiment de plénitude (« je suis plus libre ») et une aspiration au bonheur (« nous jouirons de nous »). L’épanouissement individuel passe par une plongée en soi-même, favorisée par la solitude, et qui permet non seulement une meilleure connaissance de soi-même, mais des retrouvailles intimes avec son moi profond : la litanie de comparatifs « plus libre, plus seul, plus à moi, plus près de moi » insiste sur la renaissance jubilatoire du moi. Le plaisir est lié à la variété des sentiments que le spectacle convoque : plaisir de l’introspection (« je sonde mon cœur »), et de l’amour, de l’inquiétude de ne pas être aimé (« je m’alarme ») et de se découvrir heureux (« me rassure »). Il est aussi lié à un sentiment absolu de liberté : devant un bon tableau, le spectateur accède à son identité profonde ; il peut s’épancher « sans gêne », « parler tout haut » et surtout laisser libre cours à sa sensibilité.

II - Une approche sensible

 Le spectacle des ruines offre à l’imagination de Diderot une opportunité de se déployer :

il réinvente le tableau autant qu’il le regarde. -Le premier paragraphe crée, par un phénomène d’amplification et de grandissement, un univers épique : les verbes d’action et le champ sémantique du mouvement suggèrent une nature sauvage et terrible. Par sa puissance (« torrent », « flot », « masses »), elle devient l’expression d’un monde pris dans le tourbillon de la destruction, entré dans le chaos de l’anéantissement. -Au spectacle de ce monde en ruines, s’opposent des images plus calmes et plus douces, devant lesquelles le cœur humain peut trouver le repos. La contemplation et la rêverie solitaire favorisent le surgissement de scènes sentimentales. La seconde partie du texte évoque donc des scènes idylliques, que le présent de l’indicatif fait exister dans le temps immédiat de la sensation. Toutes sont placées sous le signe de l’affectivité et du « cœur ». L’amitié et l’amour s’inscrivent dans ce décor (« c’est là »).

Un épanchement lyrique

Par l’utilisation systématique d’une première personne du singulier, parfois accentuée par la forme renforcée (« en moi », « à moi », « de moi »), Diderot place le cœur au centre de la critique d’art. L’unité du texte réside dans l’omniprésence de l’émotion lyrique. -Elle s’exprime par des procédés divers qui émaillent tout le passage : une ponctuation expressive ; des variations rythmiques et de tonalités qui miment le mouvement des sentiments ; des tournures d’insistance, comme des anaphores, des répétitions… -Elle s’exprime également par le choix d’un lexique expressif, des verbes de sentiment ou qui suggèrent un état d’âme (« je regrette », « m’alarme », « nous jouirons »). Le tableau est le révélateur d’une sensibilité exacerbée, à fleur de peau, qui ne demande qu’à s’épanouir en des « larmes sans contrainte ».

III - L’expression de la fuite du temps

Si le spectacle des ruines autorise une plongée dans les profondeurs de sa vie intérieure, il contribue aussi pour Diderot à la douloureuse prise de conscience de la fragilité humaine et du déclin inexorable du monde.

 Diderot observe que le monde des choses et des êtres décline lentement mais inexorablement.

Ce constat s’exprime par plusieurs procédés : l’exploitation du champ lexical de la destruction dans le paragraphe 1 ; l’énumération de verbes donnant à voir un progressive dégradation physique (« s’affaisse », « se creuse », « chancelle » …) ; le ternaire oratoire de la ligne 1, qui place la perspective de la mort (« périt ») au cœur même du processus : la répétition du pronom indéfini « tout » souligne l’inéluctabilité implacable de cette destruction. La destruction frappe même ce qui semblait devoir résister à jamais : « le marbre des tombeaux » s’effrite ; en même temps, le jeu sonore « tombeaux/tomber » prolonge phoniquement la chute et la ruine des objets. Le paragraphe s’achève sur des images de mort plus violentes, symbolisées par la victoire d’une nature sauvage et puissante (« torrent », « abîme » …)

Les éléments du monde sont statiques et pesants

(le marbre, le bronze) et pourtant ils sont insensiblement emportés par une nature toujours en mouvement (les verbes à la forme pronominale insistent sur le processus en cours : « se creuse », « s’ébranle » …). L’homme n’a aucune chance : sa fragilité, « existence éphémère » et « le faible tissu de fibres et de chair » dont il est fait le condamnent à une disparition brutale, contre laquelle il tente en vain de lutter. Le contraste entre la triste réalité (« fin », « celle qui m’attend ») et le cri de révolte que le « je » tente de lui opposer (« Je ne veux pas mourir !) ne fait que renforcer le sentiment de son impuissance, lui qui « prétend » pouvoir arrêter le cours des choses et « le flot qui coule à [s]es côtés ! ».

 La vision des ruines fait naître chez Diderot l’image de l’anéantissement du monde 

entraîné dans un mouvement permanent, qui survivra pourtant à sa propre destruction. Après la disparition de l’homme, après la chute des dernières ruines, le monde sera encore là, au-delà de toute matière : « Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui dure. » Le parallélisme des deux phrases (longueur, structure), l’utilisation du présent de vérité générale, également noté dans le ternaire de la ligne 1, confèrent au propos une portée universelle : la méditation esthétique se fait philosophique.

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  • L'objet d'étude abordé par les élèves de première générale pour le commentaire de texte est "Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle", et pour la dissertation "La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle". . 
  • Commentaire de texte :
  • Le roman et le récit du Moyen Age au XXIe siècle.
  • Sylvie Germain (née en 1954), Jours de colère, Chants, "Les frères", 1989. Situé dans un passé indéterminé, le roman de Sylvie Germain Jours de colère prend place dans les forêts du Morvan.
  • Dissertation :
  • La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle.
  • Sujet n°1 :
  • Victor Hugo, Les Contemplations.
  • Les livres I à IV des Contemplations ne sont-ils qu'un chant intime ?
  • Sujet n°2 :
  • Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal.
  • Dans L'Art romantique ("Théophile Gautier", 1869), Baudelaire écrit : "C'est un des privilèges prodigieux de l'Art que l'horrible, artistement exprimé, devienne beauté". Ce propos rend-il compte de votre lecture des Fleurs du Mal ?
  • Sujet n°3 :
  • Guillaume Apollinaire, Alcools.
  • La poésie d'Apollinaire est-elle une célébration de la modernité ?
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Date de dernière mise à jour : 17/05/2024

Commentaires

  • BEN ROMDHANE
    • 1. BEN ROMDHANE Le 19/06/2023
    Bonjour,

    Je ne trouve pas de corrigé pour le commentaire EAF Général 2023.
    Votre site n'est pas actualisé.
    • prepabac
      • prepabacLe 19/06/2023
      Bonjour. A venir.

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