Epreuve : Bac général

Matière : Français

Classe : Première

Centre : Centres Etrangers Groupe 2

Amérique du nord, centres étrangers 

Durée : 4h

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Francais premiere 2023 amerique nord sujet officiel 1 (208.73 Ko)

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• Correction du commentaire et des trois dissertations

Corrigé eaf 2023 (376.56 Ko)

Commentaire de texte :
Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle.
Jean Racine, Bérénice, 1670. La mort de l'empereur de Rome, Vespasien, conduit son fils Titus à lui succéder. Titus aime Bérénice, une reine étrangère.

Dissertation n°1 :
Abbé Prévost, Manon Lescaut.
Dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu'ils sont romanesques ?

Dissertation n°2 :
Honoré de Balzac, La Peau de chagrin.
"Raphaël avait pu tout faire, il n'avait rien fait". Cette formule, qui se trouve à la fin de La Peau de chagrin, éclaire-t-elle votre lecture de ce roman de Balzac ?

Dissertation n°3 :
Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne.
Dans Sido suivi de Les Vrilles de la Vigne, célébrer le monde, est-ce seulement le décrire ?

Dissertation n°1 :

Œuvre : Abbé Prévost [1697-1763], Manon Lescaut

 – Parcours : Personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Sujet :

Dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu’ils sont romanesques ?

• Autre proposition de corrigé

Corrigé eaf 2023 (376.56 Ko)

 Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur le roman de l’Abbé Prévost au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé à cette œuvre et sur votre culture personnelle.

Dans ses Carnets, Montesquieu écrit en 1734 : « J'ai lu, ce 6 avril 1734, Manon Lescaut, roman composé par le Père Prévost. Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon, et l'héroïne, une catin qui est menée à La Salpêtrière, plaise ; parce que toutes les mauvaises actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l'amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. Manon aime aussi, ce qui lui fait pardonner le reste de son caractère ».

Cette citation nous amène à nous interroger sur le lien entre la marginalité et le romanesque  des personnages de des Grieux et de Manon dans l’œuvre Manon Lescaut de l’abbé Prévost.

Dans ce roman, les personnages sont en marge car ils n’arrivent pas à se conformer à une vie morale et réglée. Des Grieux se marginalise  pour vivre son amour pour Manon et pourtant, il appartient par son père à une lignée héroïque, chrétienne, morale. Il ne parviendra pas à lutter contre la tentation du péché et des plaisirs. Sa marginalité deviendra sociale. Manon, personnage en marge est une amoureuse des plaisirs, inconstante. Ce roman nous fait découvrir des personnages en marge qui sollicitent l’intérêt et la curiosité du lecteur.

Problématique : 

Sur quoi repose le caractère romanesque des personnages  dans le roman de Prévost? 

Dans ce récit fait par des Grieux, la force de son amour pour Manon est exprimée avec force, un coup de foudre né au premier regard, « je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport ».  La passion le pousse à transgresser les règles de la bienséance, il couvre son amante de baisers en public, dès qu’il en a l’occasion. Cette passion enflammée construit l’intrigue autour de personnages marginaux rendus romanesques car prêts à tout pour vivre leur amour. Ils sont romanesques, sortent de la norme, originaux par leurs élans sentimentaux.

I – Des personnages romanesques car marginaux

• Des contraintes sociales à l’union avec Manon

Des Grieux entre en conflit avec le pouvoir de son père. Une union avec Manon est inconcevable, d’où la première transgression, la fuite d’Amiens à Paris

• Des contraintes religieuses à l’union des amants

La vie commune hors mariage n’est pas compatible avec les lois religieuses. Tiberge, symbole de vertu le répète à son ami en accusant la vanité des plaisirs. C’est ainsi que par amour, Des Grieux se marginalise pour devenir libertin conscient de ses transgressions. C’est en toute lucidité qu’il confie à Manon : « Je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi, je le prévois bien ; je lis ma destinée dans tes beaux yeux ». 

• La revendication du droit au bonheur

Malgré les infidélités de Manon, c’est le cœur de nos deux passionnés qu’il faut interroger. L’histoire met en scène un amour réciproque « je ne lui avais pas donné plus de preuves d’amour que je n’en avais reçu d’elle, pourquoi l’aurais-je accusée d’être moins sincère et moins constante que moi ? » Et pour vivre cet amour, ils revendiquent un total droit au bonheur. Pour reprendre les mots de Flaubert, nous dirons que « ce qu’il y a de fort dans Manon Lescaut, c’est le souffle sentimental, la naïveté de la passion qui rend les deux héros si vrais, si sympathiques, si honorables, quoiqu’ils soient fripons ».  Il semble donc que l’abbé Prévost se soit appliqué pour offrir à ses lecteurs l’image de personnages marginaux, romanesques car capables d’un amour sincère de manière réciproque.  

II – Le choix de Prévost : des personnages romanesques et un cadre pittoresque

• Les personnages sont romanesques indépendamment de leur marginalité

Ils sont romanesques par leur caractère et la relation qu’ils entretiennent. C’est un couple particulier. Des Grieux est jeune et inexpérimenté parfois naïf, bien né et digne. Il est progressivement entraîné vers le déshonneur dans sa relation amoureuse avec Manon. Face à son destin, des Grieux vit son destin avec une certaine grandeur et noblesse d’âme évoquant sans cesse le ciel alors que son unique divinité est  Manon. Il idéalisera Manon tout au long du roman.

Ce portrait contraste avec celui de Manon, présentée comme une femme fatale, ce qui justifie l’envoie au couvent par sa famille, « pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens… »

C’est par le contraste entre ces deux portraits que Prévost met en avant le romanesque des personnages.

• La relation des personnages du roman

Prévost nous offre une histoire d’amour exceptionnelle grâce à un couple d’amants romanesques. Le romanesque des personnages principaux est renforcé par les personnages secondaires. En effet, le père de des Grieux va jusqu’à faire enlever son fils mais en vain car ce dernier persiste dans son amour. « Va, cours à ta perte. Adieu, fils ingrat et rebelle ! ».

L’opposition entre la vertu et la débauche est en outre illustrée par Tiberge, portrait symbole de la vertu, il entre en contraste avec des Grieux, son fidèle ami qu’il ne parvient pas à raisonner. 

• Le pittoresque

Le lecteur suit avec le plus grand plaisir, les personnages dans des lieux insolites comme des hôtelleries médiocres, des prisons, l’hôpital, Saint-Lazare. Il n’y a jamais de banalité, les héros sont une fois dans le luxe et une autre fois dans la misère, sans oublier, ce chariot ou Manon est « assise sur quelques poignées de paille ».

Nos héros toujours romanesques  par les lieux hors des salons mondains. Le lecteur parcours la colonie de Louisiane  et lors de l’enterrement de Manon, une sorte de désert, « une campagne couverte de sable »

Dissertation n°2 :
Honoré de Balzac, La Peau de chagrin.
"Raphaël avait pu tout faire, il n'avait rien fait". Cette formule, qui se trouve à la fin de La Peau de chagrin, éclaire-t-elle votre lecture de ce roman de Balzac ?

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Dissertation n°3 :
Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne.
Dans Sido suivi de Les Vrilles de la Vigne, célébrer le monde, est-ce seulement le décrire ?

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• Autre proposition de corrigé

Corrigé eaf 2023 (376.56 Ko)

Commentaire de texte :
Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle.
Jean Racine, Bérénice, 1670. La mort de l'empereur de Rome, Vespasien, conduit son fils Titus à lui succéder. Titus aime Bérénice, une reine étrangère.

• Autre proposition de corrigé

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Lecture 

Titus

Aidez-moi, s’il se peut, à vaincre sa faiblesse,
A retenir des pleurs qui m’échappent sans cesse ;
Ou, si nous ne pouvons commander à nos pleurs,
Que la gloire du moins soutienne nos douleurs ;
Et que tout l’univers reconnaisse sans peine
Les pleurs d’un empereur et les pleurs d’une reine.
Car enfin, ma Princesse, il faut nous séparer.

BERENICE
Ah ! Cruel, est-il temps de me le déclarer ?
Qu’avez-vous fait ? Hélas ! Je me suis crue aimée.
Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,
Quand je vous l’avouai pour la première fois ?
A quel excès d’amour m’avez-vous amenée !
Que ne me disiez-vous : «Princesse infortunée,
Où vas-tu t’engager, et quel est ton espoir ?
Ne donne point un coeur qu’on ne peut recevoir».
Ne l’avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre,
Quand de vos seules mains ce coeur voudrait dépendre ?
Tout l’empire a vingt fois conspiré contre nous.
Il était temps encor : que ne me quittiez-vous ?
Mille raisons alors consolaient ma misère :
Je pouvais, de ma mort, accuser votre père,
Le peuple, le sénat, tout l’empire romain,
Tout l’univers, plutôt qu’une si chère main.
Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
M’avait à mon malheur dès longtemps préparée.
Je n’aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
Dans le temps que j’espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu’il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l’univers fléchit à vos genoux,
Enfin quand je n’ai plus à redouter que vous.

TITUS
Et c’est moi seul aussi qui pouvais me détruire.
Je pouvais vivre alors et me laisser séduire.
Mon coeur se gardait bien d’aller dans l’avenir
Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.
Je voulais qu’à mes voeux rien ne fût invincible ;
Je n’examinais rien, j’espérais l’impossible.
Que sais-je ? J’espérais de mourir à vos yeux,
Avant que d’en venir à ces cruels adieux.
Les obstacles semblaient renouveler ma flamme.
Tout l’empire parlait ; mais la gloire, Madame,
Ne s’était point encor fait entendre à mon coeur
Du ton dont elle parle au coeur d’un empereur.
Je sais tous les tourments où ce dessein me livre ;
Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
Que mon coeur de moi-même est prêt à s’éloigner ;
Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner.

Titus, Empereur roman renonce à Bérénice, reine de Palestine, qu’il aime et qu’elle aime. Dans cette scène 5 de l’acte V, un dialogue entre les deux amants est annonciateur de leur séparation. Nous assistons à une véritable joute verbale mais l’échange devient impossible et la parole à Titus est confisquée. La raison d’Etat l’emporte sur la passion humaine.

Problématique possible :

En quoi cet affrontement amoureux est-il tragique?

• I - La souffrance de Bérénice et de Titus

1. La souffrance de Bérénice : violence, indignation et colère

Une joute verbale

La violence de Bérénice se traduit par la violence, l’indignation et la colère, on le remarque dès son entrée en scène. L’emploi de la négation est représentatif de son refus d’écouter : « Non, je n’écoute rien/ Je ne veux plus vous voir/ Il n’est plus temps ». Elle l’accuse, le questionne et manifeste sa colère. Les questions oratoires sont nombreuses, « Pourquoi vous montrer à ma vue/ Pourquoi venir encore aigrir mon désespoir ? / N’êtes-vous pas content ? »  Elle lui reproche de ne pas avoir arrêté leur relation avant puisqu’il savait qu’il voulait être empereur :“Ah ! cruel ! est-il temps de me le déclarer ? Qu'avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée”. La cruauté de Titus est mise en avant car l’amour n’est pas partagé, il a choisi de régner plutôt que d’aimer Bérénice : “Que sais-je ? j'espérais de mourir à vos yeux, Avant que d'en venir à ces cruels adieux”. L’indignation est si forte qu’elle l’assimile à un imposteur, elle se sent trahie et préfère l’oublier : Bérénice dit “adieu” à Titus : “Eh bien ! régnez, cruel [...] après mille serments D'un amour qui devait unir tous nos moments, Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle, M'ordonnât elle-même une absence éternelle [...] Je n'écoute plus rien, et pour jamais : adieu…”. Sa souffrance est à la limite du désespoir, c’est pourquoi elle tente de le faire culpabiliser et se faire sentir indigne et ingrat :  “L'ingrat, de mon départ consolé par avance, Daignera-t-il compter les jours de mon absence ? Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts”. 

2. Titus, un personnage tragique en plein dilemme

Une parole confisquée

Le champ lexical de la douleur est révélateur de la réelle souffrance du personnage en plein dilemme qui l’“agite” et le “dévore”. C’est un personnage tragique, il souffre et son amour est sincère : “Un trouble assez cruel m'agite et me dévore, Sans que des pleurs si chers me déchirent encore”. Bérénice lui confisque la parole, sa colère est trop grande, l’échange devient impossible comme le suggèrent les stichomythies « Mais, de grâce, écouter… Demeurez »

Son aspiration au règne et au pouvoir le sépare de Bérénice et semble renforcer cet amour bien cruel car la souffrance est redoublée :   “Les obstacles semblaient renouveler ma flamme [...] Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre, [...] Que mon coeur de moi-même est prêt à s'éloigner”

• II ) Un amour tragique : s’aimer et se quitter.

Fatalité tragique

a – Un impossible amour

Titus ne peut pas continuer sa relation s’il devient Empereur, Bérénice est considérée comme ennemie politique. Le choix est irréversible, la montée de Titus au trône comme empereur n’est pas compatible avec un amour avec Bérénice. Ce dilemme se traduit par le champ lexical de la trahison : “conspire, accuse, contre”,  “Tout l'empire a vingt fois conspiré contre nous. […] Le peuple, le sénat, tout l'empire romain, Tout l'univers, [...] Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée, M'avait à mon malheur dès longtemps préparée”. 

B -Un dilemme : la passion ou la raison

La raison d’Etat contre la passion humaine

Malgré la passion dévastatrice, Titus ne se laisse pas dévorer par l’amour, la raison domine, la passion s’incline car il se positionne déjà comme empereur et tente d’être raisonnable pour le bien commun.

“Forcez votre amour à se taire,

 Et d'un oeil que la gloire et la raison éclaire

Contemplez mon devoir dans toute sa rigueur”.

Son choix est douloureux :

“Un trouble assez cruel m'agite et me dévore,

Sans que des pleurs si chers me déchirent encore”.

Il choisit le bien commun malgré la douleur, le devoir l’emporte sur la passion : Titus doit devenir Empereur.

“ si nous ne pouvons commander à nos pleurs,

Que la gloire du moins soutienne nos douleurs [...]

Car enfin, ma Princesse, il faut nous séparer.”

«  Je sais tous les tourments où ce dessein me livre, [...] Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner”.

Ainsi, cet affrontement entre Bérénice et Titus est tragique, la fatalité prend la forme de la raison d’Etat et les amants se séparent inéluctablement.  Titus privilégie le devoir.

Dans Nuit de mai, Musset écrira, « Les plus désespérés sont les chants les plus. / Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots ».