Bac Général 2024 philosophie métropole, sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve
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Sujets du bac général 2024
Epreuve : BAC Général
Matière : Philosophie
Classe : Terminale
Centre : Métropole
Date : 18 juin 2024
Heure : 08h00
Durée : 4h
coefficient 8
Le baccalauréat général
L’épreuve de philosophie se déroulera le 18 juin 2024 de 8 h à 12 h.
Trois sujets seront proposés aux candidats qui devront choisir entre deux sujets de dissertation et un sujet d’explication de texte.
Chacun portera sur une ou plusieurs notions du programme. Toutes ces notions sont liées entre elles, évitez donc les impasses dans vos révisions !
L'épreuve écrite dure 4 heures et représente un coefficient 8 pour tous les candidats.
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Dissertations
Sujet 1
la science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ?
Sujet 2
L’État nous doit-il quelque chose ?
L'explication de texte en filière générale
Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Simon Weil, La Condition Ouvrière (1943)
« Toute action humaine exige un mobile1 qui fournisse l’énergie nécessaire pour l’accomplir, et elle est bonne ou mauvaise selon que le mobile est élevé ou bas. Pour se plier à la passivité épuisante qu’exige l'usine, il faut chercher des mobiles en soi-même, car il n’y a pas de fouets, pas de chaînes ; des fouets, des chaînes rendraient peut-être la transformation plus facile. Les conditions mêmes du travail empêchent que puissent intervenir d’autres mobiles que la crainte des réprimandes et du renvoi, le désir avide d’accumuler des sous, et, dans une certaine mesure, le goût des records de vitesse. Tout concourt pour rappeler ces mobiles à la pensée et les transformer en obsessions ; il n’est jamais fait appel à rien de plus élevé ; d’ailleurs ils doivent devenir obsédants pour être assez efficaces. En même temps que ces mobiles occupent l’âme, la pensée se rétracte sur un point du temps pour éviter la souffrance, et la conscience s’éteint autant que les nécessités du travail le permettent. Une force presque irrésistible, comparable à la pesanteur, empêche alors de sentir la présence d’autres êtres humains qui peinent eux aussi tout près ; il est presque impossible de ne pas devenir indifférent et brutal comme le système dans lequel on est pris ; et réciproquement la brutalité du système est reflétée et rendue sensible par les gestes, les regards, les paroles de ceux qu’on a autour de soi. Après une journée ainsi passée, un ouvrier n’a qu’une plainte, plainte qui ne parvient pas aux oreilles des hommes étrangers à cette condition et ne leur dirait rien si elle y parvenait ; il a trouvé le temps long. »
1« Mobile » : motivation, ce qui nous pousse à agir.
— Simone Weil, La Condition ouvrière (1940)
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Sujet bac general philo 2023 (581.09 Ko)
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Correction de la dissertation 1
Sujet 1
la science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ?
Principales notions mobilisées par le sujet :
science, vérité, religion
Auteurs :
Aristote, Comte, Kierkegaard, Nietzsche
La quête de vérité est l'un des aspects les plus fondamentaux de la condition humaine. Depuis les débuts de la philosophie jusqu'à la modernité, l'homme a cherché à comprendre et à expliquer le monde qui l'entoure. Dans ce contexte, la science se pose comme une voie privilégiée pour atteindre la vérité. Mais la science, en tant que méthodologie systématique et rigoureuse, est-elle véritablement capable de satisfaire notre besoin de vérité ? Pour aborder cette question, il convient d'examiner d'abord comment la science répond à notre quête de vérité par sa méthode empirique et ses avancées technologiques. Ensuite, il faudra analyser les limites de la science face aux questions métaphysiques et éthiques qui échappent à son domaine d'expertise. Enfin, il sera pertinent d'explorer comment la science peut être complémentaire, mais non exclusive, à d'autres approches de la vérité, telles que la philosophie et la spiritualité.
I. La science comme réponse à notre besoin de vérité
La méthode scientifique : rigueur et objectivité : La science repose sur la méthode scientifique, un processus rigoureux qui inclut l'observation, l'expérimentation, la formulation d'hypothèses et la validation par les faits. Cette méthode permet d’établir des vérités empiriques basées sur des données vérifiables et reproductibles. Comme le souligne Karl Popper, "La science ne peut jamais prouver une hypothèse, elle peut seulement la réfuter." Cette capacité à ajuster nos connaissances en fonction des nouvelles preuves est essentielle pour la recherche de vérité. Par exemple, les avancées dans la physique quantique ont modifié notre compréhension de la matière, démontrant la capacité de la science à réviser ses théories face à de nouvelles données.
Les découvertes scientifiques et leurs impacts : Les découvertes scientifiques ont conduit à des vérités fondamentales qui ont transformé notre compréhension du monde. La théorie de l'évolution de Charles Darwin, par exemple, a révolutionné la biologie en fournissant une explication cohérente de la diversité des espèces. De même, les lois de la thermodynamique ont permis de mieux comprendre les processus naturels. Ces découvertes apportent des réponses concrètes à des questions complexes, soulignant la capacité de la science à satisfaire notre besoin de vérité sur le fonctionnement de l'univers.
Les technologies comme extension de la connaissance : Les avancées technologiques permettent de percevoir des aspects de la réalité qui étaient auparavant inaccessibles. Les télescopes spatiaux, tels que le télescope Hubble, ont révélé des aspects de l'univers que nous ne pouvions voir qu'en théorie. Les progrès en imagerie médicale ont permis de diagnostiquer des maladies avec une précision accrue. Ces technologies montrent comment la science peut élargir notre compréhension de la vérité en nous fournissant des outils pour explorer des dimensions jusque-là inconnues.
II. Les limites de la science dans la quête de vérité
La science et les questions métaphysiques : La science, malgré ses avancées, est limitée lorsqu'il s'agit de répondre à des questions métaphysiques ou philosophiques. Par exemple, des questions telles que "Quel est le sens de la vie ?" ou "Quelle est la nature de la conscience ?" échappent aux méthodes scientifiques traditionnelles. Comme l'a noté le philosophe Ludwig Wittgenstein, "Ce dont on ne peut parler, il faut le taire." La science peut décrire le fonctionnement des processus mentaux, mais elle ne peut pas appréhender la nature subjective de l'expérience consciente.
Les limites des modèles scientifiques : Les modèles scientifiques, bien que puissants, sont des simplifications de la réalité. Ils ne capturent qu'une partie de la complexité du monde. Par exemple, les modèles climatiques sont essentiels pour comprendre le changement climatique, mais ils ne peuvent pas prédire avec une précision absolue les impacts locaux ou les événements extrêmes. Cette limitation est inhérente à toute modélisation et souligne que la science, bien qu'efficace, ne peut prétendre à une vérité absolue.
Les questions éthiques et sociales : La science, en elle-même, ne fournit pas des réponses aux questions éthiques et sociales qui touchent à la manière dont les connaissances doivent être utilisées. Les dilemmes moraux liés à la biotechnologie, à l'intelligence artificielle ou aux armes nucléaires ne peuvent être résolus uniquement par des considérations scientifiques. Comme l’a affirmé Albert Einstein, "La science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle." Cette affirmation souligne que la science doit être accompagnée d'une réflexion éthique pour guider son application.
III. La complémentarité de la science et d'autres approches de la vérité
La philosophie et la science : La philosophie et la science sont complémentaires dans la recherche de la vérité. La philosophie explore les questions fondamentales sur la nature de la réalité, la connaissance et les valeurs, tandis que la science fournit des réponses concrètes sur le fonctionnement du monde. Par exemple, la philosophie des sciences examine les fondements épistémologiques des méthodes scientifiques, tandis que la science teste et valide les théories proposées.
La spiritualité et la quête de sens : La spiritualité aborde des questions de vérité et de sens qui vont au-delà des capacités de la science. Les traditions spirituelles et religieuses offrent des perspectives sur la transcendance, la moralité et le sens de la vie, des questions qui échappent souvent au domaine scientifique. La spiritualité peut fournir des réponses aux questions existentielles que la science ne peut pas adresser, enrichissant ainsi notre compréhension globale de la vérité.
L'interdisciplinarité comme approche intégrée : L'interdisciplinarité permet de combiner les perspectives scientifiques, philosophiques et spirituelles pour une approche plus complète de la vérité. Par exemple, les études sur la conscience bénéficient des contributions de la neuroscience, de la philosophie de l'esprit et de la psychologie, montrant comment différentes approches peuvent s’enrichir mutuellement. Cette intégration permet une exploration plus riche et nuancée de la réalité.
Conclusion
La science joue un rôle crucial dans la satisfaction de notre besoin de vérité en offrant des réponses basées sur l'observation, l'expérimentation et la validation empirique. Cependant, ses limites face aux questions métaphysiques, éthiques et sociales montrent que la vérité ultime ne peut être entièrement capturée par la science seule. La complémentarité entre la science, la philosophie et la spiritualité offre une perspective plus complète sur la vérité, montrant que chaque domaine contribue à enrichir notre compréhension de la réalité. La recherche de vérité est donc une entreprise multidimensionnelle, où chaque approche joue un rôle essentiel dans l'éclaircissement de notre vision du monde.
Ouverture
Cette réflexion sur la science et la vérité invite à considérer comment d’autres disciplines, telles que les arts ou les lettres, abordent également la quête de vérité. Par exemple, la littérature et le cinéma explorent la condition humaine et les complexités émotionnelles qui échappent souvent à l'analyse scientifique, offrant ainsi des perspectives complémentaires sur la vérité et l'expérience humaine.
Correction de la dissertation 2
Sujet 2
L’État nous doit-il quelque chose ?
L’État est l’ensemble des institutions qui organisent et régissent la vie des membres d’une société.
Existe-t-il pour se mettre au service des citoyens, auquel cas il leur devrait quelque chose (la sécurité, la prospérité, le bonheur…) ;
ou remplit-il une fonction propre, qui ferait passer les intérêts supérieurs de l’État avant tout ?
Principales notions mobilisées par le sujet : État, devoir, liberté
Auteurs : Hobbes, Pascal, Montesquieu
La question de savoir si l'État nous doit quelque chose est au cœur des débats politiques, sociaux et philosophiques. L'État, en tant qu'entité régulatrice et organisatrice de la vie en société, a un rôle crucial dans la gestion des affaires publiques et la régulation des relations entre les citoyens. Mais jusqu'à quel point est-il responsable envers ses citoyens ? Les obligations de l'État peuvent-elles être limitées à la simple fourniture de sécurité et d'ordre, ou s'étendent-elles à des engagements plus larges, tels que la justice sociale, l'égalité des chances et le bien-être économique ? Pour aborder cette question, nous examinerons d'abord les fondements théoriques des obligations de l'État envers ses citoyens, puis nous analyserons les différentes formes de devoirs que l'État peut avoir et enfin, nous discuterons des limites de ces obligations en regard des réalités économiques et politiques.
I. Les fondements théoriques des obligations de l'État
La théorie du contrat social : La théorie du contrat social, développée par des philosophes comme Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes, fournit une base théorique pour comprendre les obligations de l'État envers ses citoyens. Selon cette théorie, les individus acceptent de vivre en société et de se soumettre à une autorité en échange de la protection de leurs droits et de leur sécurité. Rousseau, dans Du Contrat Social (1762), affirme que « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers », soulignant que la liberté individuelle est conditionnée par l’adhésion à des règles communes. L'État, en vertu de ce contrat, doit garantir la protection et le respect des droits fondamentaux des citoyens.
Les droits naturels et les obligations de l'État : Les droits naturels, tels que ceux énoncés par John Locke, stipulent que les individus possèdent des droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la propriété. L'État a donc la responsabilité de protéger ces droits. Locke écrit dans Deuxième Traité du Gouvernement (1689) que « les hommes vivent ensemble dans une société politique pour mieux préserver leurs propriétés ». Cette protection implique non seulement la sécurité physique, mais aussi la préservation des droits économiques et sociaux.
Les principes de justice sociale : La justice sociale, comme développée par des théoriciens tels que John Rawls dans Théorie de la Justice (1971), postule que l'État doit assurer une distribution équitable des ressources et des opportunités. Rawls introduit le concept du « voile d'ignorance », où les principes de justice sont déterminés sans connaissance des positions sociales des individus. Selon Rawls, l'État doit garantir des conditions de base pour tous, notamment l'accès à l'éducation et aux soins de santé, pour assurer une véritable égalité des chances.
II. Les différentes formes d'obligations de l'État
Obligations de sécurité et de protection : L'une des fonctions premières de l'État est de garantir la sécurité et la protection de ses citoyens. Cela inclut la protection contre les menaces internes (criminalité) et externes (agressions étrangères). Selon Montesquieu dans De l'esprit des lois (1748), « Il n'y a point de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et exécutive ». Cette séparation assure que l'État ne détient pas un pouvoir tyrannique et protège les libertés individuelles.
Obligations économiques et sociales : L'État a également des responsabilités en matière économique et sociale, telles que la fourniture de services publics essentiels, l'assurance d'un filet de sécurité sociale et la réduction des inégalités économiques. Le Welfare State, ou État providence, incarne cette approche en offrant des prestations telles que les allocations chômage, les pensions de retraite et les services de santé. La Constitution de 1946 en France, par exemple, déclare que « chacun a le droit à un emploi » et stipule les devoirs de l'État en matière de solidarité sociale.
Obligations envers les générations futures : L'État doit aussi penser aux générations futures en assurant une gestion durable des ressources naturelles et en prenant des mesures pour protéger l'environnement. La notion de développement durable, intégrée dans des documents internationaux tels que le Rapport Brundtland (1987), exige que les politiques publiques respectent les besoins des générations futures tout en répondant aux exigences actuelles. L'État est donc tenu de préserver les ressources naturelles et d'assurer une planète habitable pour les générations futures.
III. Les limites des obligations de l'État
Les contraintes économiques : Les obligations de l'État doivent être équilibrées avec les réalités économiques et les ressources disponibles. Dans un contexte de contraintes budgétaires et de dettes publiques croissantes, il peut être difficile pour l'État de remplir toutes ses obligations de manière équitable. Les décisions politiques doivent souvent faire des compromis entre différents besoins et priorités, ce qui peut entraîner des déceptions et des inégalités dans la distribution des ressources.
Les tensions entre liberté individuelle et intervention de l'État : La question des obligations de l'État est également complexe en raison des tensions entre la liberté individuelle et l'intervention étatique. Une intervention excessive peut être perçue comme une atteinte aux libertés individuelles et à la libre entreprise. Par exemple, la régulation stricte des marchés et des entreprises peut entrer en conflit avec les principes du capitalisme et de l'économie de marché. La question de savoir jusqu'où l'État doit intervenir dans la vie économique et sociale reste un sujet de débat constant.
Les enjeux politiques et éthiques : Les obligations de l'État sont souvent influencées par des considérations politiques et éthiques. Les décisions gouvernementales peuvent être influencées par des intérêts politiques, des pressions électorales ou des idéologies spécifiques, ce qui peut limiter l'efficacité et l'équité des politiques publiques. Les questions éthiques, telles que les choix entre différentes formes d'aide sociale ou de politique de santé, sont souvent sources de controverses et de dilemmes.
Conclusion
La question de savoir si l'État nous doit quelque chose est complexe et multidimensionnelle. Théoriquement, l'État a des obligations envers ses citoyens, fondées sur des principes de sécurité, de justice sociale et de préservation des droits naturels. Ces obligations comprennent la protection des droits fondamentaux, la fourniture de services publics et la gestion durable des ressources. Toutefois, les contraintes économiques, les tensions entre liberté individuelle et intervention étatique, ainsi que les enjeux politiques et éthiques imposent des limites à ce que l'État peut ou doit offrir. En fin de compte, l'équilibre entre les attentes des citoyens et les capacités de l'État est essentiel pour comprendre et définir les véritables obligations de ce dernier.
Ouverture
Cette réflexion sur les obligations de l'État invite à examiner d'autres modèles de gouvernance et de solidarité, notamment ceux des pays nordiques ou des systèmes alternatifs de gouvernance communautaire. Ces modèles offrent des perspectives variées sur la manière dont l'État peut répondre aux besoins de ses citoyens tout en tenant compte des contraintes et des réalités politiques et économiques.
Correction du commentaire philosophique
Sujet 3
Expliquer le texte suivant :
Simon Weil, La Condition Ouvrière (1943)
« Toute action humaine exige un mobile1 qui fournisse l’énergie nécessaire pour l’accomplir, et elle est bonne ou mauvaise selon que le mobile est élevé ou bas. Pour se plier à la passivité épuisante qu’exige l'usine, il faut chercher des mobiles en soi-même, car il n’y a pas de fouets, pas de chaînes ; des fouets, des chaînes rendraient peut-être la transformation plus facile. Les conditions mêmes du travail empêchent que puissent intervenir d’autres mobiles que la crainte des réprimandes et du renvoi, le désir avide d’accumuler des sous, et, dans une certaine mesure, le goût des records de vitesse. Tout concourt pour rappeler ces mobiles à la pensée et les transformer en obsessions ; il n’est jamais fait appel à rien de plus élevé ; d’ailleurs ils doivent devenir obsédants pour être assez efficaces. En même temps que ces mobiles occupent l’âme, la pensée se rétracte sur un point du temps pour éviter la souffrance, et la conscience s’éteint autant que les nécessités du travail le permettent. Une force presque irrésistible, comparable à la pesanteur, empêche alors de sentir la présence d’autres êtres humains qui peinent eux aussi tout près ; il est presque impossible de ne pas devenir indifférent et brutal comme le système dans lequel on est pris ; et réciproquement la brutalité du système est reflétée et rendue sensible par les gestes, les regards, les paroles de ceux qu’on a autour de soi. Après une journée ainsi passée, un ouvrier n’a qu’une plainte, plainte qui ne parvient pas aux oreilles des hommes étrangers à cette condition et ne leur dirait rien si elle y parvenait ; il a trouvé le temps long. »
1« Mobile » : motivation, ce qui nous pousse à agir.
— Simone Weil, La Condition ouvrière (1940)
Le texte de Simone Weil, extrait de La Condition ouvrière (1943), est une réflexion approfondie sur les effets déshumanisants du travail industriel sur les ouvriers. Voici une explication détaillée et structurée du texte :
1. Le Mobile de l'Action Humaine
Simone Weil commence par affirmer que « toute action humaine exige un mobile ». Selon elle, chaque action est motivée par une force ou un désir qui fournit l’énergie nécessaire pour la réaliser. Cette force motrice peut être élevée (comme la quête de sens ou la dignité) ou basse (comme le simple désir de confort matériel ou la peur des punitions). La qualité morale ou éthique de l’action dépend ainsi de la noblesse ou de la bassesse du mobile qui la motive.
2. Les Conditions de Travail et la Réduction des Mobiles
Dans le contexte du travail en usine, Weil observe que les conditions de travail rendent très difficile la présence de « mobiles élevés ». L’usine impose une passivité épuisante qui ne laisse guère de place à des motivations plus nobles. Contrairement à d’autres formes de travail, le milieu industriel ne propose pas de stimulations positives ou de récompenses élevées. Les mobiles qui dominent alors sont la « crainte des réprimandes et du renvoi », le « désir avide d’accumuler des sous », et parfois un « goût des records de vitesse ». Ces mobiles sont souvent de nature basse et matérialiste, orientés vers des objectifs immédiats et personnels.
3. La Déshumanisation et l'Indifférence
Weil décrit comment cette situation entraîne une « rétractation de la pensée ». Les ouvriers se concentrent uniquement sur la tâche à accomplir et sur les éléments qui leur permettent de maintenir leur emploi, car leur environnement de travail est « presque irrésistible, comparable à la pesanteur ». Cela crée une atmosphère où il est difficile de ressentir la présence et la souffrance des autres, menant à une « indifférence et brutalité » généralisées. Cette déshumanisation se manifeste également par des gestes, des regards et des paroles marqués par la dureté et l'aliénation.
4. La Perception du Temps et la Souffrance
Enfin, Weil souligne que « après une journée ainsi passée, un ouvrier n’a qu’une plainte, plainte qui ne parvient pas aux oreilles des hommes étrangers à cette condition ». La principale plainte de l'ouvrier est que le temps semble long et interminable. Cette perception du temps, ralentie par l'épuisement physique et mental, témoigne de la souffrance endurée au quotidien et de l'aliénation qu'éprouve l'ouvrier dans sa condition.
Résumé
Simone Weil, dans La Condition ouvrière, analyse les conséquences psychologiques et sociales du travail industriel. Elle montre comment les conditions de travail déshumanisantes réduisent les mobiles des ouvriers à des motivations basses et matérialistes. Cette réduction des mobiles, couplée à une passivité épuisante, conduit à une déshumanisation profonde, marquée par l'indifférence et la brutalité. L'ouvrier, épuisé et isolé, voit le temps passer lentement, reflet de sa souffrance et de son aliénation. Le texte de Weil est une critique acerbe de la façon dont le travail industriel peut réduire l'être humain à un état de mécanisation et d'indifférence, éloignant ainsi la personne de toute forme de dignité ou de motivation plus élevée.
Epreuve : BAC G
Matière : Philosophie
Classe : Terminale
Centre : Métropole
Date : mardi 10 septembre 2024
Durée : 4h
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Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants.
Sujet 1 Avons-nous le devoir d’être libres ?
Sujet 2 Peut-on s’arrêter de travailler ?
Sujet 3 Expliquer le texte suivant :
Nous n'avons pas le sentiment que de nouveaux exemples accroissent notre certitude que deux et deux font quatre, parce que dès que la vérité de cette proposition est comprise, notre certitude est si grande qu'elle n'est pas susceptible d'augmenter. De plus, nous éprouvons concernant la proposition « deux et deux font quatre » un sentiment de nécessité qui est absent même dans le cas des généralisations empiriques1 les mieux attestées. C'est que de telles généralisations restent de simples faits : nous sentons qu'un monde où elles seraient fausses est possible, même s'il se trouve qu'elles sont vraies dans le monde réel. Dans tous les mondes possibles, au contraire, nous éprouvons le sentiment que deux et deux feraient toujours quatre : ce n'est plus un simple fait, mais une nécessité à laquelle tout monde, réel ou possible, doit se conformer. Pour éclaircir ce point, prenons une vraie généralisation empirique, comme « Tous les hommes sont mortels ». Nous croyons à cette proposition, d'abord parce qu'il n'y a pas d'exemple connu d'homme ayant vécu au-delà d'un certain âge, ensuite parce que des raisons tirées de la physiologie2 nous font penser qu'un organisme comme le corps humain doit tôt ou tard se défaire. Laissons de côté le second point, et considérons seulement notre expérience du caractère mortel de l'homme : il est clair que nous ne pouvons nous satisfaire d'un seul exemple, fût-il clairement attesté, de mort d'homme, alors qu'avec « deux et deux font quatre », un seul cas bien compris suffit à nous persuader qu'il en sera toujours de même. Enfin nous devons admettre qu'il peut à la réflexion surgir quelque doute sur la question de savoir si vraiment tous les hommes sont mortels. Imaginons, pour voir clairement la différence, deux mondes, l'un où certains hommes ne meurent pas, l'autre où deux et deux font cinq. Quand Swift3 nous parle de la race immortelle des Struldbrugs4 , nous pouvons le suivre par l'imagination. Mais un monde où deux et deux feraient cinq semble d'un tout autre niveau. Nous l'éprouverions comme un bouleversement de tout l'édifice de la connaissance, réduit à un état d'incertitude complète. RUSSELL, Problèmes de philosophie (1912)
Sujet 1 : Avons-nous le devoir d’être libres ?
Depuis toujours, la quête de la liberté anime les individus et les sociétés, comme en témoignent les luttes pour l’émancipation, les révolutions et les philosophies qui ont marqué l’histoire humaine. Mais cette aspiration à la liberté, souvent perçue comme un droit fondamental, pose une question complexe : avons-nous réellement le devoir d’être libres ? La liberté, bien que source de dignité et d’épanouissement, implique aussi des choix et des responsabilités. La question du devoir d’être libre amène donc à réfléchir sur les implications morales et sociales de la liberté et sur le poids des engagements qu'elle entraîne. Cela nous amène à nous demander si la liberté est une exigence morale que chacun doit poursuivre, ou si elle reste un choix personnel et individuel.
Nous nous demanderons donc : le devoir de liberté est-il un impératif pour l’individu, ou s’agit-il d’un choix qui dépend de sa volonté et de son contexte ?
Pour répondre à cette problématique, nous aborderons dans un premier temps les arguments qui plaident pour un devoir de liberté, puis nous examinerons en quoi cette liberté peut aussi être perçue comme un droit personnel qui n'impose aucune contrainte morale. Enfin, nous verrons les limites et nuances de ces positions.
I. La liberté comme devoir moral envers soi et les autres
Devoir de se réaliser : De nombreux philosophes, dont Kant, estiment que la liberté est une condition nécessaire pour accomplir son humanité et se réaliser pleinement. Être libre permet à l’individu de penser, d’agir et de choisir de manière autonome, ce qui est essentiel pour accéder à une forme de dignité personnelle.
Liberté et responsabilité sociale : En étant libre, on prend des décisions qui impactent non seulement soi-même, mais également la société. Cette responsabilité implique un devoir d’utiliser sa liberté pour œuvrer pour le bien commun et non pour des intérêts égoïstes.
Exemple historique et philosophique : On peut citer les mouvements de résistance, où la liberté est perçue comme un devoir moral ; les individus se sont battus pour défendre des idéaux qui transcendent leur propre existence, illustrant un engagement pour la liberté.
II. La liberté comme un droit, non un devoir
La liberté individuelle et le choix personnel : Selon les théories libérales, la liberté est avant tout un droit qui appartient à chaque individu, libre de décider s’il souhaite l’exercer ou non. Ce droit repose sur le respect de la souveraineté individuelle et la liberté de ne pas être libre, en quelque sorte.
Liberté et contrainte : Certains, comme le philosophe Sartre, considèrent que la liberté totale peut être angoissante et qu'elle n'est pas toujours un impératif moral. Ainsi, certains préfèrent renoncer à certaines libertés pour éviter le poids des responsabilités et des choix.
Exemple littéraire : Dans certains romans comme L’Étranger de Camus, le personnage principal choisit de ne pas assumer cette liberté de manière consciente, illustrant une vision de la liberté comme un droit personnel et non comme un devoir.
III. Les nuances : la liberté comme un équilibre entre droit et devoir
La liberté conditionnée par le contexte : Il existe des situations où la liberté devient un devoir (notamment en temps de crise), et d'autres où elle reste un droit que l'on peut choisir d'exercer ou non.
Les implications de la liberté pour l’individu et la société : Si la liberté est un droit fondamental, elle peut aussi s’imposer comme un devoir dans certaines circonstances où elle est le seul moyen d’agir en conformité avec ses principes moraux.
Exemple de compromis dans la vie quotidienne : Dans notre société moderne, le citoyen est libre de ses choix, mais cette liberté est souvent modulée par des contraintes sociales, politiques ou culturelles.
En somme, la question de savoir si nous avons le devoir d’être libres ne trouve pas de réponse simple et définitive. D'un côté, la liberté s'impose comme un devoir moral pour ceux qui souhaitent s’accomplir et contribuer au bien commun. De l’autre, elle est aussi un droit que chacun peut choisir d’exercer ou de limiter selon ses convictions. La liberté, plutôt que d’être un devoir ou un droit absolu, pourrait être vue comme une responsabilité partagée, qui varie en fonction des situations et des contextes.
Cette réflexion peut être prolongée en se demandant si le devoir de liberté s’étend au-delà de l’individu, notamment dans un monde de plus en plus globalisé où les choix de liberté ou de renoncement d’un pays ou d’un groupe peuvent affecter l’humanité tout entière.
Sujet 2 : Peut-on s’arrêter de travailler ?
Le travail occupe une place centrale dans nos vies et dans notre société : il est à la fois source de subsistance, de reconnaissance sociale et de développement personnel. Pourtant, la notion de pouvoir "s’arrêter de travailler" suscite le rêve et le débat. Peut-on réellement envisager de vivre sans travailler ? Ou le travail est-il un impératif auquel on ne peut se soustraire, que ce soit pour des raisons économiques, sociales ou psychologiques ? Cette question interroge la possibilité de rompre avec le système économique basé sur le travail, ainsi que les conséquences personnelles et sociales de cette rupture.
Nous nous demanderons donc : dans quelle mesure peut-on envisager d’arrêter de travailler ?
Pour répondre à cette problématique, nous examinerons dans un premier temps les arguments en faveur de l’arrêt du travail, puis les obstacles économiques, sociaux et identitaires qui rendent cette possibilité difficile à atteindre, avant de proposer des pistes pour repenser notre rapport au travail.
I. Les arguments en faveur de l’arrêt du travail
La quête de liberté et de temps pour soi : Arrêter de travailler permettrait de consacrer davantage de temps à des activités personnelles, culturelles, et spirituelles, souvent négligées en raison des contraintes professionnelles.
L’aspiration à une autonomie financière : Certains parviennent à arrêter de travailler grâce à des moyens financiers accumulés, notamment dans le cadre du mouvement "FIRE" (Financial Independence, Retire Early), qui promeut une vie sans travail après un capital suffisant.
Exemples de modes de vie alternatifs : Dans certaines sociétés ou communautés, comme les sociétés autarciques, les membres réduisent ou éliminent leur dépendance au travail en adoptant des modes de vie collectifs et autosuffisants.
II. Les limites et les obstacles à l’arrêt du travail
Les impératifs économiques et sociaux : Pour la plupart des individus, le travail est la principale source de revenus ; sans travail, la sécurité financière devient difficile à maintenir. Arrêter de travailler reste donc un privilège accessible à peu de gens.
L’importance du travail dans l’identité : Le travail contribue à la construction de l’identité et du statut social de l’individu. Sans activité professionnelle, certains ressentent une perte de sens, ce qui témoigne de l’importance symbolique du travail.
Les limites des systèmes de soutien : Dans les sociétés modernes, les systèmes de protection sociale et de retraite sont financés par les cotisations des actifs. Si un trop grand nombre de personnes arrête de travailler, cela pourrait déséquilibrer ces systèmes, rendant la vie sans travail difficilement soutenable à grande échelle.
III. Repensez notre rapport au travail : vers une réduction ou une transformation du travail
La réduction du temps de travail : Plutôt que de s’arrêter complètement, certaines réformes visent à réduire la durée du travail pour permettre aux individus de s’épanouir en dehors du cadre professionnel, sans pour autant renoncer au travail.
Le développement du revenu universel : Un revenu de base inconditionnel pourrait permettre aux individus de travailler par choix et non par nécessité, ouvrant la voie à une réorganisation de la société autour d’activités moins contraignantes.
Exemples et expérimentations en cours : Des pays comme la Finlande et l’Espagne expérimentent des politiques de réduction du temps de travail ou de revenu de base, ce qui peut inspirer des modèles de société où le travail occupe une place moins centrale.
En somme, s’il est possible pour certains individus privilégiés de s’arrêter de travailler, cela reste un défi pour la majorité. Le travail demeure une nécessité économique et un vecteur d’identité sociale, bien que la perspective d’une société où chacun pourrait réduire son temps de travail ou choisir d’y renoncer mérite d’être explorée. Pour répondre au besoin d’épanouissement et de liberté, des transformations profondes, telles que la réduction du temps de travail ou l'instauration d'un revenu universel, pourraient permettre d’alléger la place du travail sans que l’on doive y renoncer complètement.
Cette question nous amène à réfléchir sur les liens entre travail, liberté et technologie. À l’heure de l’automatisation croissante, pourrait-on imaginer une société où le travail humain deviendrait facultatif, permettant ainsi à chacun de décider librement de sa relation au travail ?
Sujet 3 : Russel, Problèmes de philosophie (1912)
Thème
Le thème de l'extrait est la différence entre les vérités nécessaires (comme les vérités mathématiques) et les vérités empiriques (fondées sur l'observation du monde). Russell examine ce qui distingue les vérités que l’on perçoit comme infaillibles et universelles de celles qui, bien que vraisemblables, dépendent de notre expérience.
Thèse
La thèse de Russell est que les vérités mathématiques ou logiques (comme "deux et deux font quatre") possèdent un caractère de nécessité absolue et inconditionnelle qui ne dépend pas de l’expérience, alors que les vérités empiriques (comme "tous les hommes sont mortels") sont contingentes et pourraient être fausses dans un autre contexte ou un autre monde.
Concepts à préciser
Vérité nécessaire : Une vérité nécessaire est une vérité qui ne peut pas être autrement. Elle est vraie dans tous les mondes possibles. Par exemple, la proposition "deux et deux font quatre" est nécessaire, car elle ne dépend pas d'observations spécifiques et ne pourrait être autrement sans remettre en question la logique elle-même.
Vérité empirique : Une vérité empirique est une vérité fondée sur l'observation et l'expérience. Elle est contingente, c'est-à-dire qu’elle pourrait être différente dans d'autres contextes. Par exemple, "tous les hommes sont mortels" est vrai dans notre monde d'expérience, mais on peut concevoir un autre monde où cette règle ne s'appliquerait pas.
Contingence vs nécessité : La contingence désigne ce qui pourrait être autrement, c’est une vérité qui dépend des conditions spécifiques du monde réel, donc susceptible de variation. La nécessité est l’impossibilité d’être autrement, ce qui rend une vérité universelle et invariable dans tous les contextes ou mondes imaginables.
Certitude immédiate et indépendance de l'expérience : Russell insiste sur le fait que certaines vérités (mathématiques et logiques) ne nécessitent pas d'exemples ou d'expériences répétées pour être acceptées comme vraies. Ces vérités sont "immédiates", car une seule compréhension suffit à les percevoir comme universellement valables.
Dans cet extrait, Bertrand Russell aborde la différence entre les vérités logiques ou mathématiques, qui semblent nécessaires et évidentes, et les généralisations empiriques, qui, bien que fondées sur l'expérience, pourraient théoriquement être remises en cause. Russell souligne que certaines vérités, comme "deux et deux font quatre", paraissent inébranlables et indépendantes de notre expérience, tandis que d'autres, comme "tous les hommes sont mortels", reposent sur l'observation et pourraient être différentes dans un monde alternatif. Cette distinction conduit à s'interroger : pourquoi certaines vérités sont-elles perçues comme nécessaires alors que d'autres ne sont que probables ?
I. La distinction entre les vérités nécessaires et les vérités empiriques
Russell commence par souligner que des vérités mathématiques comme "deux et deux font quatre" ne dépendent pas de la répétition ou de l'accumulation d'exemples pour être comprises ou acceptées. Dès qu'on la comprend, cette proposition est vue comme absolument certaine, car elle n'est pas basée sur l'expérience du monde, mais sur une nécessité logique. Autrement dit, on ne ressent pas le besoin de confirmer cette vérité par une expérience répétée, contrairement aux vérités empiriques.
Les vérités empiriques, quant à elles, comme "tous les hommes sont mortels", ne peuvent atteindre ce degré de certitude absolue. Bien qu'elles soient basées sur des observations solides et vérifiées, elles n'acquièrent jamais le statut de nécessité. Par exemple, on ne peut imaginer un monde où "deux et deux font cinq" sans bouleverser toute notre compréhension des mathématiques, mais on peut concevoir, même fictivement, des mondes où certains êtres humains seraient immortels.
Cette distinction que fait Russell s'ancre dans la philosophie classique. Les vérités logiques et mathématiques sont "a priori" : elles n'ont pas besoin de l'expérience pour être confirmées. Les vérités empiriques sont, elles, "a posteriori", c'est-à-dire qu'elles sont fondées sur l'expérience et donc toujours susceptibles d'être remises en question.
II. La certitude immédiate et le sentiment de nécessité des vérités logiques
Russell souligne ensuite que notre certitude concernant les vérités logiques est immédiate. Cela signifie qu'une fois qu'on comprend une vérité comme "deux et deux font quatre", elle apparaît nécessaire, de manière inconditionnelle, dans tous les mondes possibles. Cette nécessité est liée au fait que les vérités mathématiques et logiques sont autonomes de l'expérience, elles existent dans tous les mondes imaginables.
En revanche, les généralisations empiriques, même les mieux établies, restent des faits contingents : elles sont vraies dans notre monde, mais elles pourraient être fausses dans un autre. Par exemple, même si tous les hommes que nous connaissons sont mortels, il est concevable qu'il puisse exister, dans un autre monde, des êtres humains immortels. Cela témoigne de la fragilité des vérités empiriques, qui ne sont jamais absolument nécessaires.
Cette idée repose sur la notion de contingence en philosophie. Une vérité contingente est une vérité qui pourrait être autrement. La proposition "tous les hommes sont mortels" est contingente car elle pourrait être différente dans un autre monde. En revanche, une vérité nécessaire ne peut pas être différente : elle est vraie dans tous les mondes possibles. Cela donne aux vérités nécessaires un statut supérieur en termes de certitude et d'universalité.
III. La limite de l’imagination : ce que l’on peut concevoir et ce qui nous échappe
Pour clarifier sa distinction, Russell utilise l’exemple littéraire des Struldbrugs, des humains immortels créés par Jonathan Swift dans Les Voyages de Gulliver. Ce concept d’immortalité humaine, bien qu’improbable, reste concevable pour notre imagination, ce qui signifie que la mortalité humaine n’est pas une nécessité absolue. Cependant, imaginer un monde où "deux et deux font cinq" semble beaucoup plus difficile, car cela violerait les fondements de la logique et de l'arithmétique.
Russell veut montrer par cet exemple que certaines idées sont concevables malgré leur improbabilité (l’immortalité humaine), alors que d'autres sont littéralement inconcevables car elles bouleverseraient nos principes fondamentaux de compréhension du monde. Un monde où deux et deux ne feraient pas quatre serait un monde où toute certitude logique disparaîtrait, rendant notre connaissance incertaine.
Russell montre que notre capacité d'imaginer des situations alternatives est une manière de comprendre la différence entre nécessité et contingence. Cette distinction révèle que la mathématique et la logique sont des cadres à travers lesquels nous pensons, et qu’un monde sans ces règles serait non seulement étrange, mais surtout inimaginable.
En somme, Russell utilise cet extrait pour montrer que toutes les vérités ne sont pas égales. Les vérités mathématiques et logiques sont absolument certaines et universellement valides, car elles sont fondées sur des nécessités indépendantes de l’expérience. Les vérités empiriques, quant à elles, même les plus probables, n’ont jamais ce degré de certitude et restent dépendantes de notre observation du monde. Ainsi, si la science repose en grande partie sur des vérités empiriques, elle ne peut jamais atteindre la certitude absolue de la logique ou des mathématiques.
Cette distinction de Russell nous invite à réfléchir à la portée de la science et des mathématiques : si la logique nous offre une certitude inaccessible aux sciences empiriques, peut-on espérer une connaissance de la réalité qui soit à la fois fondée sur l'expérience et dotée d'une certitude absolue ?
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Date de dernière mise à jour : 09/11/2024
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