HLP 2024-Réfutation, HUGO Dernier jour d'un condamné, réflexions sur la guillotine Camus- Se concilier l’auditoire Voltaire Dictionnaire philosophique
programmes de HLP 2024 Semestre 1 de première : Les pouvoirs de la parole-HUGO, Préface du Dernier jour d’un condamné - Camus Réflexions sur la guillotine.Voltaire Dictionnaire philosophique portatif
Les pouvoirs de la parole
HLP Première
Représentations du monde
HLP Première
Ressources académiques, HLP = problématisation, séquences
La théorie platonicienne de la parole dans Phèdre - Parcours HLP de l'académie de Nancy - Problématisation et documents numériques, académie de Bordeaux
Problématisation sur les pouvoirs de la parole, académie de Strasbourg - Académie de Lille, ressources les pouvoirs de la parole et les représentations du monde
Propositions de séquences élaborées par des professeurs de philosophie et de Lettres de l’académie de Versailles
Philosophie et poésie d’hier à aujourd’hui - -Entre Ulysse et Shéhérazade : la parole et le pouvoir
Accords et désaccords : à quelle condition la parole peut-elle créer du lien ?
Quelle valeur accorder à la parole qui séduit ? - - L’exercice de la parole en démocratie
Propositions de séquences élaborées par les professeurs de l’académie de Dijon
Projet 1
Un premier axe de travail : comment la parole est constitutive d’une identite?. The?me aborde? : l’autorite? de la parole
Un deuxie?me axe de travail : comment les formes essentielles de la parole (chant, rhe?torique, dialogue) correspondent au conflit entre se?duction et re?flexion, entre de?sir et raison.
The?mes aborde?s : l’art de la parole, les se?ductions de la parole
Projet 2
Proposition d’entrée dans le thème des "pouvoirs de la parole " par une réflexion en deux temps : d’abord sur l’amour, puis sur la justice.
Réfutation (l’art de confisquer la parole de l’autre) V. HUGO, « Préface » du Dernier jour d’un condamné =Cette préface est un plaidoyer indirect contre la peine de mort
Extrait de la préface du dernier jour d’un condamné
Victor Hugo, 1832
TEXTE
Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D’abord, -parce qu’il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. A quoi bon la mort vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison? Faites mieux votre ronde, si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Mais reprend-on, il faut que la société se venge, que la société punisse. Ni l’un, ni l’autre,. Se venger est de l’individu, punir est de Dieu. La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d’elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas « punir pour se venger »; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes nous la comprenons et nous y adhérons.
Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l’exemple. Il faut faire des exemples! Il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter!
Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien! Nous nions d’abord qu’il y ait exemple; nos nions que le spectacle des supplices produise l’effet qu’on en attend. Loin d’édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu.
ANALYSE
3 parties : De la ligne 1 à la ligne 9
De la ligne 10 à la ligne 18
De la ligne 19 à la fin.
- arguments pour la peine de mort, puis
- arguments contre la peine de mort.
Cette préface est un plaidoyer indirect contre la peine de mort
Nous allons étudier un extrait de la préface du dernier jour d’un condamné, nous nous demanderons si ce texte tente de nous convaincre, de nous persuader ou de délibérer. Nous justifierons l’argumentation qui le prouve.
Dans sa préface, Hugo nous propose une délibération en trois temps, ainsi trois arguments sont controversés. Nous avons d’un côté les représentants de la peine de mort qui à trois niveaux en font l’apologie. Selon eux, « la peine de mort est nécessaire » afin d’éliminer les récidivistes et les éventuels évadés de prison. En outre, c’est un devoir moral pour la société de punir et de se venger et enfin, « il faut faire des exemples »;
d’un autre côté, nous avons ceux qui s’insurgent et dénoncent la peine de mort pour trois raisons. Selon eux, le geôlier devrait suffire, il n’est nul besoin de bourreau, de plus le concept de châtiment est au dessus de la société. Il faut « corriger pour améliorer » et non « punir pour se venger ». Enfin,les exemples ne font que « démoraliser » le peuple. Ce texte est donc une réflexion délibérée en trois temps autour de deux interlocuteurs symbolisant le pour et le contre la peine de mort. C’est une réflexion conduite, progressive scandée par des connecteurs « mais »; c’est une délibération qui nie toute implication directe et personnelle. Nous n’avons aucune marque de subjectivité et les seuls indices de première personne sont au pluriel et ont une valeur de généralisation « nous la comprenons, « nous y adhérons », « nous nions ». Le vocabulaire n’est pas celui de l’affectivité mais se rapporte à des concepts comme la justice, la loi, la vengeance; de par sa construction dialectique, ce texte est plus propre à délibérer qu’à persuader ou à convaincre.
Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné, chapitre XXVI, 1829. Ce texte a-t-il pour intention de convaincre, persuader ou délibérer?
Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné, chapitre XXVI, 1829.
TEXTE
Le dernier jour d’un condamné est un roman écrit par Hugo sous la forme d’un journal intime fictif; un condamné à mort, dont on ne connaît ni le nom ni la faute, y évoque les dernières heures de son existence.
Il est dix heures.
O ma pauvre petite fille! Encore six heures, et je serai mort! Je serai quelque chose d’immonde qui traînera sur la table froide des amphithéâtres une tête qu’on moulera d’un côté, un tronc qu’on disséquera de l’autre; puis de ce qui restera, on en mettra plein une bière, et le tout ira à Clamart; voilà ce qui’ls vont faire de ton père, ces hommes dont aucun ne me hait qui tous me plaignent et tous pourraient me sauver; ils vont me tuer. Comprends-tu cela, Marie? Me tuer de sang-froid, en cérémonie, pour le bien de la chose ah! Grand Dieu!
Pauvre petite! Ton père qui t’aimait tant, ton père qui baisait ton petit cou blanc et parfumé, qui passait la main sans cesse dans les bouches de tes cheveux comme sur de la soie, qui prenait ton joli visage rond dans sa main, qui faisait sauter sur ses genoux et le soir joignait tes deux petites mains pour prier Dieu!
Qui est-ce qui te fera tout cela maintenant? Qui est-ce qui t’aimera? Tous les enfants de ton âge auront des pères, excepté toi. Comment te déshabitueras-tu, mon enfant, du jour de l’an, des étrennes, des beaux joujoux, des bonbons et des baisers? -Comment te déshabitueras-tu, malheureuse orpheline, de boire et de manger?
Oh! si ces jurés l’avaient vue, au moins, ma jolie petite Marie! Ils auraient compris qu’il ne faut pas tuer le père d’un enfant de trois ans.
Et quand elle sera grande, si elle va jusque-là, que deviendra t’-elle? Son père sera un des souvenirs du peuple de Paris. Elle rougira de moi et de mon nom: elle sera méprisée, repoussée, vile cause de moi de moi qui l’aime de toutes les tendresses de mon coeur; O ma petite Marie bien aimée! Est-il bien vrai que tu auras honte et horreur de moi?
Misérable! Quel crime j’ai commis, et quel crime je fais commettre à la société?
Oh! Est -il bien vrai que je vais mourir avant la fin du jour? Est-il bien vrai que c’est moi? Ce bruit sourd de cris que j’entends au-dehors, ce flots de peuple joyeux qui déjà se hâte sur les quais, ces gendarmes qui s’apprêtent dans leurs casernes ce prêtre en robe noire, cet autre home aux mains rouges, c’est pour moi! C’est moi qui vais mourir! Moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut, qui respire, qui est assis à cette table, laquelle ressemble à une autre table, et pourrait aussi bien être ailleurs; moi, enfin, ce moi que touche et que je sens, et dont le vêtement fait les plis que voilà!
ANALYSE
Nous allons étudier du point de vue de l’argumentation un texte de Victor Hugo, le dernier jour d’un condamné , le chapitre XXVI en date de 1829. Nous nous demanderons si ce texte a pour intention de convaincre, de persuader ou de délibérer. Un condamné à mort nous fait partager ses derniers instants en mettant l’accent sur la tristesse causée à sa fille de trois ans, Marie. Nous allons analyser les arguments qui justifient que nous avons une intention de persuader ou de convaincre ou encore de délibérer.
L’extrait fait plus appel aux sentiments qu’à la raison. Nous partageons en tant que lecteur le désespoir d’un condamné à mort enfermé en prison. La présence de la petite fille du condamné renforce l’aspect affectif du texte. Le lecteur est d’autant plus sensibilisé, « ton père qui t’aimait tant ». Les nombreuses marques de subjectivité « je serai », « me tuer », « je vais mourir » accentuent cette impression de fait vécu avec une suggestion de l’horreur poussée à son paroxysme: « quelque chose d’immonde », « une tête », « un tronc ». Cela permet une certaine généralisation concernant la question de la peine de mort. Cet extrait fait appel aux sentiments du lecteur. Il est rendu encore plus touchant grâce à l’apostrophe à la « petite fille » et aux interjections « O », « oh ». Nous n’avons par conséquent pas le schéma d’un texte organisé au niveau d’un raisonnement logique et d’arguments mis en avant en fonction de connecteurs précis marquant une progression dans une réflexion. L’auteur tente donc de nous persuader plutôt que de nous convaincre puisqu’il fait plus appel à notre cœur qu’à notre raison.
Cicéron, Orator, XXXVII-XXXVIII Le pathétique
Cicéron, Orator, XXXVII-XXXVIII
Le pathétique
S’il s’y prend bien, l’orateur soulèvera l’admiration par deux autres ressorts. L’un, que les Grecs nomment η?θικο?ν, « l’éthique », concerne les tempéraments, les moeurs et tout ce qui a trait aux habitudes de la vie en société. L’autre le παθητικο?ν, « le pathétique », consiste à émouvoir et à exciter les esprits ; c’est là que triomphe l’éloquence. Le premier est doux, agréable et propre à gagner la bienveillance de l’auditoire ; le second, violent, enflammé, impétueux, arrache la victoire et rien n’arrête sa force torrentielle. […]
Que dirai-je des appels à la compassion ? Je m’en suis d’autant plus servi que l’on me laissait toujours le soin de la péroraison, même si nous étions plusieurs à plaider. Si je passais pour y exceller, je ne le devais pas à mon intelligence mais à ma sensibilité. […]
Mais nous ne devons pas émouvoir les juges en faisant uniquement appel à leur pitié. Je l’ai souvent fait, comme dans cette péroraison où je suis allé jusqu’à prendre un petit enfant dans mes bras. J’ai fait de même dans une autre cause où je défendais un illustre accusé : lui ayant demandé de se lever, j’ai brandi son fils, remplissant alors le forum de pleurs et de gémissements. Il faut irriter ou apaiser les juges, éveiller en eux l’envie ou la faveur, le mépris ou l’admiration, la haine ou l’amour, le désir ou le dégoût, l’espérance ou la crainte, la joie ou la douleur.
Ce texte a-t-il pour intention de convaincre, persuader ou délibérer? Extrait des réflexions sur la guillotine, 1957 Albert Camus
Peu avant la guerre de 1914, un assassin dont le crime était particulièrement révoltant (il avait massacré une famille de fermiers avec leurs enfants) fut condamné à mort en Alger. Il s’agissait d’un ouvrier agricole qui avait tué dans une sorte de délire du sang, mais avait aggravé son cas en volant ses victimes; l’affaire eut un grand retentissement. On estima généralement que la décapitation était une peine trop douce pour un pareil monstre. Telle fut, m’a t’on dit, l’opinion de mon père que le meurtre des enfants, en particulier, avait indigné. L’une des rares choses que je sache de lui, en tout cas est qu’il voulut assister à l’exécution, pour la première fois de sa vie. Il se leva dans la nuit pour se rendre sur les lieux du supplice, à l’autre bout de la ville au milieu d’un grand concours de peuple. Ce qu’il vit, ce matin là, il n’en dit rien à personne. Ma mère raconte seulement qu’il rentra en coup de vent, le visage bouleversé, refusa de parler, s’étendit un moment sur le lit et se mit tout d’un coup à vomir. Il venait de découvrir la réalité qui se cachait sous les grandes formules dont on la masquait. Au lieu de penser aux enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu’à ce corps pantelant qu’on venait de jeter sur une planche puis lui couper le cou.
Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l’indignation d’un homme simple et droit et pour qu’un châtiment qu’il estimait cent fois mérité n’ait eu finalement d’autre effet que de lui retourner le cœur. Quand la suprême justice donne seulement à vomir à l’honnête homme qu’elle est censée protéger, il paraît difficile de soutenir qu’elle est destinée, comme ce devrait être sa fonction, à apporter plus de paix et d’ordre dans la cité. Il éclate au contraire qu’elle n’est pas moins révoltante que le crime et que ce nouveau meurtre, loin de réparer l’offense faite au corps social, ajoute une nouvelle souillure à la première.
ANALYSE
Nous allons étudier un extrait des réflexions sur la guillotine de Camus en date de 1957. Nous nous interrogerons sur l’intention de ce texte, a t’-il pour intention de convaincre, persuader ou délibérer? L’essai camusien est une réflexion objective sur la peine de mort; le texte ne contient aucune marque de subjectivité mais des récurrences de la première personne du pluriel. Nous allons voir que le philosophe cherche à convaincre et non à persuader, il s’adresse à nous avec la raison et non avec le cœur en essayant de susciter en nous émotion, crainte etc.
Dans l’extrait des réflexions de Camus, nous avons une condamnation réaliste de la peine de mort. Il s’agit d’un ouvrier agricole condamné pour meurtres sur enfants et vol; ce texte est destiné à nous convaincre de l’abomination de « ce nouveau meurtre » qu’est la peine de mort d’un homme au-delà même de toute l’indignation que les meurtres commis même sur des enfants suscitent. Ce fait vécu est relaté par Camus à travers la personne de son père d’abord indigné puis révolté par de telles tueries organisées. Nous n’avons aucune marque de subjectivité mais des signes de la première personne du pluriel, « nous avons », « nous définissons » et des impératifs, « admettons ». L’analyse est ponctuée par une série de définitions comme la justice; le premier connecteur « en effet » marque le début d’un raisonnement qui se termine par le dernier connecteur « donc ». Nous avons un réel réalisme de la description, cette « réalité qui se cachait sous les grandes formules », « corps pantelant », « couper le cou ». La cruauté de cet acte rituel est perçu comme aussi révoltant et intolérable que le meurtre commis lui-même. Les deux métonymies le confirment, « nouveau meurtre », « nouvelle souillure ». Elles sont à elles seules dénonciatrices et assimilées à un meurtre consenti, un assassinat. Nous avons donc une dénonciation de cette pratique inhumaine qu’est la peine de mort qui à une valeur d’authenticité car elle est référée à un fait précis, vécu. Nous avons donc à travers cette intention de convaincre, une dénonciation de la peine de mort.
Pour aller plus loin
Erreurs judiciaires
L'affaire Sacco-Vanzetti
(*) L'affaire Sacco-Vanzetti : scandale judiciaire, Etats-Unis, 1920. Ils sont arrêtés pour deux braquages et condamnés en 1920 à la peine de mort. Des comités de défense s'organise. Le bandit Celestino Madeiros, avoue être l'auteur du braquage mais le juge qui n'aimait ni les Italiens, ni les anarchistes refuse de rouvrir le dossier. Vanzetti, Sacco et Madeiros sont exécutés par chaise électrique.
Le 23 août 1977, exactement 50 ans après, le gouverneur du Massachusetts Michael Dukakis absout les deux hommes, et déclare que « tous les déshonneurs devaient être enlevés de leurs noms pour toujours »
L'affaire Calas
L'affaire Calas est une affaire judiciaire qui se déroula au milieu du XVIIIe siècle à Toulouse, rendue célèbre par l'intervention de Voltaire.
L'affaire est révélatrice du traitement, à l'époque, d'un suspect, puis accusé, sans l'appui d'un avocat (remplacé par des libelles nommés factums), où une hiérarchie des preuves (adminicule et monitoire), le secret de l'instruction et une procédure inquisitoriale transforment le suspect en victime expiatoire.
La famille Calas habitait au 16, rue des Filatiers (aujourd'hui n° 50) à Toulouse. Le 13 octobre 1761, le fils aîné, Marc-Antoine, est retrouvé pendu dans la boutique familiale, à une porte. Meurtre ou suicide ? Toujours est-il que les Calas (le père Jean et le frère cadet en particulier) sont accusés du meurtre alors que ceux-ci prétendent avoir détaché Marc-Antoine pour que ce dernier ne subisse pas le traitement alors infligé aux suicidés.
Mais les Calas, de confession protestante, sauf l'un des fils, Louis, converti au catholicisme, continuent à pratiquer leur foi, et cela suffit pour que le capitoul David de Beaudrigue, convaincu par des rumeurs de voisinage alléguant la volonté de Marc-Antoine de choisir réellement la religion catholique, exige un complément d'enquête et fasse soumettre Jean Calas à la question.
L'étranglement est infligé à Jean Calas après le verdict du procès par le parlement de Toulouse. Ce dernier le condamne à mort le 10 mars 1762, sans que le jugement ne soit motivé. Calas est condamné au supplice de la roue. Il subit la question, une longue séance de torture, mais n'avoue rien. Il clame son innocence. Roué Place Saint-Georges, Jean Calas est étranglé puis brûlé deux heures plus tard.
Exilé, un autre fils de Jean Calas, Pierre, se rend dans la ville calviniste de Genève, où il rencontre Voltaire. Le philosophe croit d'abord l'accusation fondée et rédige dans un premier temps une lettre incendiaire sur Jean Calas. Mais, convaincu par Pierre de son innocence, il forme par la suite un groupe de pression avec ses amis et utilise son ironie corrosive pour que justice soit faite.
Afin d'obtenir à la révision du procès, Voltaire publie, en 1763, l'ouvrage Traité sur la tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas tandis que la famille obtient un entretien à Versailles auprès de Louis XV. Le capitoul, c'est-à-dire l'officier municipal de Toulouse, qui avait largement contribué à monter les fausses accusations contre Calas, est destitué. En 1765, Voltaire réussit à faire réviser le procès et à obtenir un arrêt qui déclare Calas innocent et réhabilite sa mémoire.
Le procès de Calas a été inséré dans les causes célèbres. Il a fourni à Marie-Joseph Chénier, à Jean-Louis Laya et à Auguste-Jacques Lemierre d'Argy le sujet de drames populaires. Athanase Coquerel a publié en 1858 Jean Calas et sa famille.
Exorde et captatio benevolentiae : « se concilier l’auditoire, éveiller son attention et susciter son intérêt »-VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique portatif "Fanatisme"
Article « Fanatisme », Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, 1764
« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances; il pourra bientôt tuer pour l'amour de Dieu.
Barthélemy Diaz fut un fanatique profès. Il avait à Nuremberg un frère, Jean Diaz, qui n'était encore qu'enthousiaste luthérien, vivement convaincu que le pape est l'antechrist, ayant le signe de la bête. Barthélemy, encore plus vivement persuadé que le pape est Dieu en terre, part de Rome pour aller convertir ou tuer son frère: il l'assassine; voilà du parfait: et nous avons ailleurs rendu justice à ce Diaz.
Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du duc François de Guise, de Guillaume prince d'Orange, du roi Henri III, du roi Henri IV, et de tant d'autres, étaient des énergumènes malades de la même rage que Diaz.
Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n'allaient point à la messe. Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l'ex-jésuite Paulian, ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde: mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.
Il y a des fanatiques de sang-froid: ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n'ont d'autre crime que de ne pas penser comme eux; et ces juges-là sont d'autant plus coupables, d'autant plus dignes de l'exécration du genre humain, que, n'étant pas dans un accès de fureur comme les Clément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble qu'ils pourraient écouter la raison.
Il n'est d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dés que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l'esprit l'exemple d'Aod qui assassine le roi Églon; de Judith qui coupe la tête d'Holopherne en couchant avec lui; de Samuel qui hache en morceaux le roi Agag; du prêtre Joad qui assassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans l'antiquité, sont abominables dans le temps présent: ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage: c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?
Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s'échauffaient par degrés parmi eux: leurs yeux s'enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.
Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tendre leurs membres et écumer. Ils criaient: « Il faut du sang ». Ils sont parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais, et ils ont fini par ne crier que contre les philosophes.
Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait. Il n'y a eu qu'une seule religion dans le monde qui n'ait pas été souillée par le fanatisme, c'est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède; car l'effet de la philosophie est de rendre l'âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c'est à la folie des hommes qu'il faut s'en prendre.
I-Un article de dictionnaire où la polémique remplace la didactique
II-Un texte argumentatif écrit pour convaincre et persuader
III-L’objet de la critique et des remèdes
Lire l'analyse
l’article « Guerre » du Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire. Exorde et captatio benevolentiae : « se concilier l’auditoire, éveiller son attention et susciter son intérêt »
Genre : dictionnaire philosophique (publication en 1764). Voltaire mélange dictionnaire (avec définition des mots précis) et pamphlet (Court écrit satirique, souvent politique, d'un ton violent, qui défend une cause, se moque, critique ou calomnie quelqu'un ou quelque chose. Synon. diatribe, factum, libelle, satire.)
I. LA DENONCIATION DE LA GUERRE
un acte de barbarie
un spectacle désespérant : utilisation de la PROSOPOPEE et du pathétique
II. UN PAMPHLET CONTRE LES RESPONSABLES DE LA GUERRE
les rois / les responsables politiques : de vulgaires hommes, au pouvoir monstrueux
la complicité des religieux avec le pouvoir
l’hypocrisie de la religion
Exorde et captatio benevolentiae : « se concilier l’auditoire, éveiller son attention et susciter son intérêt »-CICERON, Orator, XXXVI
Cicéron, Orator, XXXVI
Comment traiter les parties du discours
L’exorde sera modeste ; sans être encore enflammé par l’emploi d’un vocabulaire noble, il sera d’une simplicité pénétrante, semé de traits visant à se faire valoir ou à discréditer la partie adverse. Les narrations seront plausibles et claires, exposées sur un ton plus proche de la conversation que du récit historique. Puis, si la cause est simple, le fil de l’argumentation le sera aussi, autant pour démontrer que pour réfuter ; le style s’élèvera à mesure que le sujet grandira.
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Date de dernière mise à jour : 01/08/2023
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