HLP la recherche de soi. Mettre en scène la complexité du moi, Mythomanies littéraires Carrère l'Adversaire-la fabrique de la fiction, du mensonge

Carrere 4

Recherche de soi 

HLP Terminale

 

L'humanité en question

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la fabrique de la fiction, du mensonge, de l'adversaire

En janvier 1993, Jean-Claude Romand, qui a menti durant toute sa vie en faisant croire à sa famille et à son entourage qu’il était médecin, tue ses deux jeunes enfants, sa femme et ses parents. Pendant près de vingt ans, on a pensé qu’il exerçait son métier à l’Organisation mondiale de la santé. En fait, il errait dans les parkings.

L'enquête démontre rapidement que la vie qu'il menait depuis dix-huit ans n'était qu'un mensonge. On le croyait médecin, chercheur à l'OMS. En vérité, il avait arrêté ses études de médecine à la fin de la deuxième année. Et il passait ses journées à errer au hasard des routes, des parkings, des hôtels, des cafés.

Emmanuel Carrère avait suivi son procès.  

Mythomanies littéraires-Carrère l'Adversaire

Le « mentir-vrai »

Le « mentir-vrai »

Par quel paradoxe magique, la fiction, l’œuvre d’art sont-elles plus à même de révéler la vérité profonde d’une époque, d’un être humain, qu’une étude historique, biologique, psychologique, anthropologique ou documentaire ? Ce que Aragon appelle le « mentir- vrai ».

Comment expliquer que n’importe quel volume de La Comédie Humaine de Balzac, à travers une histoire inventée, suggère mieux l’essence de la Restauration et de la Monarchie de Juillet qu’un livre d’histoire ? Que la pièce d’Ariane Mnouchkine, le Dernier Caravansérail en dit plus et plus fort que tous les articles et reportages réunis sur les sans-papiers ? On peut faire les mêmes remarques sur un film de Bergman ou Pasolini, un poème de René Char. Maints tableaux de Watteau représentant des fêtes galantes, donnent à voir surtout, au-delà de l’anecdote peinte, comme par transparence, par une vibration des tons et des valeurs, la vérité d’une société aristocratique secrètement travaillée par le pressentiment de sa disparition, et cela, quatre-vingts ans avant la Révolution. Une sculpture de Giacometti comme l’Homme qui marche n’est-elle pas une incroyable condensation d’une vérité humaine bouleversante sans commune mesure avec la réalité visible ?

C’est que l’œuvre d’art n’est pas simple message – c’est-à-dire vérité à transmettre (on serait alors dans l’idéologie). La vérité naît dans l’acte créateur, surgit de « crises » que Michel Leiris définit comme « les moments où le dehors semble brusquement répondre à la Sommation du dedans ». La vérité pour l’artiste est objet de quête : rendre visible l’invisible, faire entendre l’inouï ; il crée un monde parallèle, celui qui y pénètre ne trouve ni message, ni morale, ni leçon, mais se rencontre lui-même, à ses risques et périls.

Sabine Dotal , Cairn info

Romand ne peut pas dire la vérité, Meursault refuse de mentir

Meursault est un personnage qui refuse de mentir, de jouer la comédie de la société

« Meursault refuse de mentir. Mentir, ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi, et surtout, dire plus que ce qui est, et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus que ce qu’on ne sent. Et c’est finalement ceci qui lui sera reproché lors de son procès. Pensons à cette réplique du procureur : « il a déclaré  que je n’avais rien à faire dans un société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles »

Le problème de Romand c’est qu’il ne peut pas dire la vérité.

Romand va tuer sa famille parce qu’il refuse qu’elle découvre la vérité sur son compte.

Mentir, ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi dire plus que ce qui est, et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on ne sent

Camus à propos de Meursault : Albert Camus, préface à l’édition américaine de l’Étranger, 1955

« J’ai re?sume? l’E?tranger, il y a tre?s longtemps, par une phrase dont je reconnais qu’elle est tre?s paradoxale : dans notre socie?te?, tout homme qui ne pleure pas a? l’enterrement de sa me?re risque d’e?tre condamne? a? mort. Je voulais dire seulement que le he?ros du livre est condamne? parce qu’il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est e?tranger a? la socie?te? ou? il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie prive?e, solitaire, sensuelle. Et c’est pourquoi des lecteurs ont e?te? tente?s de le conside?rer comme une e?pave. On aura cependant une ide?e plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l’on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La re?ponse est simple, il refuse de mentir. Mentir, ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi, c’est surtout dire plus que ce qui est, et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on ne sent. C’est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. »

 

On a souvent tendance à considérer Meursault comme un personnage vide, une sorte de mort-vivant dénué d’intérêt pour quoi que ce soit. Si un être vide signifie « un être vide de pensées », on aurait tort de le croire. Meursault réfléchit souvent, pèse souvent le pour et les contre (« d’un côté… de l’autre »), juge souvent les paroles de ses interlocuteurs : il juge que le télégramme lui annonçant la mort de sa mère « ne veut rien dire », remarque que Masson complète « tout ce qu’il avançait par un « et je dirai plus », même quand, au fond, il n’ajoutait rien au sens de sa phrase ».

Quand il est condamné, il remarque surtout la « forme bizarre » du réquisitoire.) Meursault semble surtout incapable de sentiments sophistiqués. La manière dont il répond à l’amour de Marie, son étrange vide émotif lors de l’enterrement de sa mère en témoignent. Mais c’est que Meursault n’est pas un « roseau pensant » : il se contente d’exister, et d’exister pleinement, sans mettre entre lui et le monde la moindre barrière de principe, le moindre a priori. Son appartenance fusionnelle au monde se traduit par son amour de la nature, un attachement fondamental à la mer. Ainsi, Meursault n’est pas un personnage vide, malgré les apparences. Si on peut le qualifier de lacunaire (il « méconnaît les règles les plus essentielles » de la société), on ne peut le considérer comme vide.

 Romand, en apparences, n’est, lui, certainement pas « vide ». On le considère pendant des années comme le médecin et chercheur à l’OMS qu’il déclarait être, alors qu’il avait mis un terme à ses études de médecine après deux années. Pendant dix-huit ans, sa famille et ses amis ont cru à ce personnage. En fait, tout ce temps, alors qu’il devait être au travail, Romand passait son temps sur des ères d’autoroutes, ou à errer dans les forêts. Un immense pan de son existence n’a donc aucun contenu, et ne consiste qu’en une matière vide : le temps. C’est cet aspect-là qui a le plus intéressé Carrère : « C’est sur ce vide-là que j’avais envie d’écrire, sur ce qui pouvait tourner dans sa tête pendant les journées passées sur des parkings d’autoroute. J’ai essayé d’encadrer ce vide pour que le lecteur perçoive intimement ce que c’était que de vivre dans ce monde vide et blanc ». (entretien avec l’Express).

Selon Carrère, Romand n’avait, pour ainsi dire, pas plus de corps que de diplôme de médecine : en évoquant sa vie sexuelle pauvre, le journaliste dit de Romand que «  c’était un homme non touché, non caressé. A la fin, il allait voir des masseuses pour enfin avoir un corps ». Carrère renchérit : « Oui, il allait dans des salons de massage et il avait l’impression d’exister un peu ». Tout le contraire de Meursault qui, lui, est avant tout un corps, un récepteur sensible des éléments cosmiques (les étoiles, le soleil) et des choses de l’amour (les nuits avec Marie).

Corneille lillusion comique

Mythomanies littéraires-Corneille, L'Illusion comique, II, 2-En quoi ce personnage emblématique fait-il partie de l’illusion théâtrale?

Mythomanies littéraires-Corneille, L'Illusion comique, II, 2-En quoi ce personnage emblématique fait-il partie de l’illusion théâtrale? Analyse littéraire et questionnaires bac - I - Un personnage typique- II - Une comédie atypique - III - Un héros prototypique - E. Carrère, l'Adversaire, fiction, mensonge, EAF 2020

La recherche de soi

L'humanité en question

Date de dernière mise à jour : 02/08/2023

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