Analyse des Mémoires de deux jeunes mariées Balzac. Un roman épistolaire, contexte, genèse, résumé, titre, portrait des héroïnes, projet d'écriture

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Séquence roman 2023

Contexte et genèse de l’œuvre

Mémoires de deux jeunes mariées (1841) doit être réinscrit dans le contexte historique et culturel de la première moitié du xixe  siècle

Mémoires de deux jeunes mariées est un projet qui s’inscrit dans cette tradition balzacienne de publication en deux temps  : il est d’abord publié dans La Presse à compter du 6 novembre 1841 en onze feuilletons - En janvier 1842, il remanie le roman pour lui donner la forme de notre édition, qui correspondait à la forme originelle de son texte  : elle se compose de deux parties, la dernière se consacrant au deuxième mariage de Louise

Cette œuvre de Balzac doit aussi être réinscrite dans le projet plus large de La Comédie humaine, fresque littéraire

Mémoires de deux jeunes mariées est inscrit par Balzac dans les « études de mœurs », premier texte du deuxième tome des Scènes de la vie privée, puisque son roman épistolaire entend dresser le portrait intime de deux femmes qui, sous la Restauration, font des choix de vie radicalement opposés au sein d’un même cadre : le mariage. 

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Un roman épistolaire en date de 1841 dans lequel l’auteur met en scène les échanges entre deux personnages, Louise et Renée, les deux héroïnes du roman qui appartiennent à la noblesse ainsi que le suggère le titre de la grand-mère de Louise, « la princesse de Vaurémont ». Chacune incarne une conception différente de l’amour et du mariage, l’une repose sur la raison et l’autre fonde sa conception sur les sentiments.

L’échange des lettres est révélateur des occupations de la noblesse et met en avant la différence entre la vie sociale à Paris et en province.

Nous sommes au XIXe siècle, siècle bercé par le mouvement littéraire romantique que le lecteur retrouve dans les goûts littéraires de Louise, opéras de Rossini, Roméo et Juliette Shakespeare aux pièces représentées à l’époque à Paris.

Pour aller plus loin 

• Le Roman épistolaire
• Historique :
• - Cette forme littéraire émerge en 1669 avec Lettres portugaises de Guilleragues. 
• - Au XVIII° siècle, on note en Angleterre Richardson avec Clarisse Harlowe, en Allemagne Goethe et Les souffrances du jeune Werther, tandis qu’en France s’impose Montesquieu (Lettres Persanes) puis à la fin du siècle Rousseau (La nouvelle Héloïse) et Laclos (Les Liaisons dangereuses). C’est son apogée. 
• - Au XIX° siècle, Balzac poursuit perpétue l’utilisation de cette forme (Mémoires de deux jeunes mariées et Le lys dans la vallée)
• - Au XX° siècle, le roman épistolaire passe de mode mais quelques auteurs semblent résister comme Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat) et Etienne Vilain (Un automne sans alcool, ou les lettres deviennent des mails).
• Le roman épistolaire
• C'est un genre littéraire qui connait son apogée au XVIIIème siècle après la publication de la Nouvelle Héloise de Rousseau.

Résumé

Les deux femmes, Louise et Renée ont été élevées au couvent des carmélites mais ont par la suite des trajectoires de vie différentes

Louise part rejoindre sa famille à Paris et fait un héritage, celui de la fortune de sa grand-mère. Son vœu est de trouver l’amour, elle fera une rencontre, celle du duc de Soria, Felipe Henarez, ruiné. Ils se marient et vivent une passion amoureuse. René au contraire incarne la raison et ne cherche pas l’amour. Elle est promise à Louis de l’Estorade mais décide de suivre cette vie raisonnable et réglée en Provence afin de fonder une famille.  Trois ans de silence entre les deux jeunes femmes suite à la mort de Felipe avant que Louise annonce à Renée qu’elle se remarie avec un poète Marie Gaston qu’elle ne tardera pas à soupçonner d’infidélité. C’est pourquoi, à tort et par désespoir elle se provoque une pneumonie dont elle décèdera. Elle reverra son amie Renée avant de mourir et apprendra que son époux n’était pas infidèle mais rendait visite à la veuve de son frère, sur Paris.

Le portrait des deux héroïnes

Question posée par Renée dans sa lettre XVIII :

« Entre nous deux, qui a tort, qui a raison ? Peut-être avons-nous également tort et raison toutes les deux »

Le thème de l’amour

Renée

Elle est surnommée « Madame la raisonneuse » par son amie Renée dans la lettre XV.

Ce surnom lui va bien car elle est raisonnable tous points lorsqu’il s’agit d’organiser et de faire sa vie, de femme, d’épouse et de mère.

Mariée à 17 ans avec un homme plus âgé qu’elle de plus de 20 ans, mariage qui est en fait un arrangement financier entre les deux familles. Elle décide de faire un mariage sans amour, sans passion pour construire un bonheur conjugal et avoir des enfants pour parfaire son heureux mariage. De cette union naîtra un mariage sincère « Cependant Louis est aimable, il est d’une grande égalité de caractère, il fait simplement les actions dont se vanteraient la plupart des hommes. Enfin, si je ne l’aime point, je me sens très capable de le chérir. »

Elle devient gestionnaire du domaine de la Crampade et soutient l’ascension sociale de son époux qui deviendra député :
« J’ai déjà démontré à Louis la nécessité de faire des chemins, afin de conquérir la réputation d’un homme occupé du bien de son pays. Je l’oblige à compléter son instruction. J’espère le voir bientôt membre du Conseil-Général de son département par l’influence de ma famille et de celle de sa mère. Je lui ai déclaré tout net que j’étais ambitieuse, que je ne trouvais pas mauvais que son père continuât à soigner nos biens, à réaliser des économies, parce que je le voulais tout entier à la politique ; si nous avions des enfants, je les voulais voir tous heureux et bien placés dans l’État ; […] « (lettre V)

Elle défend l’amour maternel « je serai mère ». Plusieurs de ses lettres trahissent sa grande joie d’être mère.

Louise :

C’est une femme passionnée qui cherche l’amour et la passion et qui se révolte contre le mariage : dans la lettre VII, elle affirme à son amie Renée : «À votre place, j’aimerais mieux aller me promener aux îles d’Hyères en caïque, jusqu’à ce qu’un corsaire algérien m’enlevât et me vendît au grand-seigneur ; je deviendrais sultane, puis quelque jour validé ; je mettrais le sérail c’en dessus dessous, et tant que je serais jeune et quand je serais vieille. Tu sors d’un couvent pour entrer dans un autre ! Je te connais, tu es lâche, tu vas entrer en ménage avec une soumission d’agneau. » (lettre VII)  À

Mariée deux fois, elle dira de son second époux « sans figure de rhétorique, il est un autre moi ». Au contraire du mariage de son amie, elle affirme « Ton mariage purement social, et mon mariage qui n’est qu’un amour heureux, sont deux mondes qui ne peuvent pas plus se comprendre que le fini ne peut comprendre l’infini. Tu restes sur la terre, je suis dans le ciel ! Tu es dans la sphère humaine, et je suis dans la sphère divine » Lettre XXVII

Son image romantique se retrouve dans tout le roman que ce soit dans son premier ou second mariage. Elle décide alors de vivre dans une demeure isolée avec Marie Gaston, elle fait le choix de la nature et de l’amour fusionnel « j’aime, je suis aimée. J’aime autant qu’une femme qui sait bien ce qu’est l’amour peut aimer ». « Je sens en moi pour Gaston l’adoration que j’inspirais à mon pauvre Felipe ! je ne suis pas maîtresse de moi, je tremble devant cet enfant comme l’Abencerrage tremblait devant moi. Enfin, j’aime plus que je ne suis aimée »

Renée : « De nous deux, je suis un peu la Raison comme tu es l’Imagination ; je suis le grave Devoir comme tu es le fol Amour. Ce contraste d’esprit qui n’existait que pour nous deux, le sort s’est plu à le continuer dans nos destinées. » (lettre XXVI)

L’amitié

L’amitié est aussi un thème central du roman épistolaire. La correspondance entre Louise et Renée le montre et le lien intime de ces deux jeunes femmes se dévoile dans les termes affectueux de leurs lettres riches en confidences et tendresse.

La société parisienne

Le roman de Balzac nous offre une peinture de la société parisienne, Louise entre dans le monde et en particulier dans le milieu parisien, la vie de Paris est riche de découvertes et s’apparente à une métamorphose pour la jeune femme. Le regard critique de Balzac sur la révolution française complète ce tableau à n niveau plus politique « En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a coupé la tête à tous les pères de famille. Il n’y a plus de famille aujourd’hui, il n’y a plus que des individus ». Le roman traduit l’évolution des idées politiques de Balzac. La question des privilèges de la naissance est souvent abordée par Renée et ignorée par Louise. Il s’agit de maintenir les privilèges - Renée, « Mon père siège entre le centre et la droite, il ne demande qu’un titre ; notre famille était déjà célèbre sous le roi René, le roi Charles X ne refusera pas un Maucombe »

La critique de Balzac

Balzac critique le rôle de l’argent dans les mariages arrangés. Idem concernant la question de l’héritage. L’argent est omniprésent dans le roman.  Balzac dénonce l’hypocrisie d’une société fondée sur les apparences avec les toilettes des femmes, la vie mondaine et les jeux de séduction qu’elle suppose, mensonges sociaux, dissimulation, ambitions individuelles, l’argent la critique de Balzac est évidente, tout comme celle d’un La Fontaine, d’un La Bruyère avant lui.

C'est un genre littéraire qui connait son apogée au XVIIIème siècle après la publication de la Nouvelle Héloise de Rousseau. 

Définition du roman épistolaire 

Il est l'expression privilégiée de la subjectivité ce qui nous renvoie au développement de la lettre et à la progression du roman au XVIIIème siècle. En effet depuis la fin du 17ème on accorde une place plus importante à la notion "d'individu", le concept de sujet est revalorisé depuis la mise en avant de la philosophie de Locke. De ce fait l'expérience sensible comme condition de possibilité d'appréhender le réel concret, la réalité qui nous entoure est reconnue comme fiable. L'empirisme en philosophie connait un vrai succès. Cela se retrouve en littérature et en particulier dans l'illustration du roman à la première personne. Le roman épistolaire repose sur la vraisemblance. Montesquieu a contribué à cet essort du roman épistolaire. Il présente les potentialités qu'offre ce genre de roman dans les réflexions sur les lettres persanes. "d'ailleurs, ces sortes de romans réussissent ordinairement, parce que l'on rend compte soi -même de sa situation actuelle : ce qui fait plus sentir les passions que tous les récits qu'on en pourrait faire".

Ce roman de Balzac est un échange très riche de lettres entre les deux femmes, Louise et Renée. Le lecteur dispose de l’ensemble de ces lettres dont certaines couvrent plusieurs jours proposant ainsi un véritable journal intime.

L’homme étant le produit de son milieu, le choix de l’écriture épistolaire permet à Balzac d’adopter une écriture réaliste jusque dans les plus petits détails, les descriptions les plus essentielles à la construction de son roman. Il rend compte également avec le souci du détail de la société de son temps. Les références au cadre spatio-temporel ne manquent pas dans l’échange épistolaire des deux femmes, ce qui reflète davantage la réalité dans la peinture de la petite noblesse, dans la description de la maternité de Renée, le lecteur est dans la confidence, il a connaissance de tous les détails de la vie des deux amies. Mais l’écriture est aussi romantique et s’accorde avec la vision tout aussi romantique de la nature et de l’aspiration à l’amour passion de Louise. Balzac accorde un intérêt certain pour le « moi », le « je » est prêté aux auteurs de la lettre, on retrouve ainsi les caractéristiques des romantiques avec une volonté affirmée de reproduire la réalité de son époque dans la vie de ses personnages.

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