Etude linéaire Rimbaud, Poésies - Les effarés, Cahiers de Douai
- Le 10/07/2023
- Dans Les Cahiers de Douai, Rimbaud, parcours bac "Emancipations créatrices"- La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
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Etude linéaire
Rimbaud , Poésies - Les effarés, Cahiers de Douai, 1870
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond
A genoux, cinq petits, -misère!-
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie;
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre,
-Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, -comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
-Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
-Et que leur lange blanc tremblotte
Au vent d’hiver…
Pour préparer ou réviser le commentaire linéaire sur "Les Effarés"
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Problématique : Comment Rimbaud dénonce t'-il la misère dans ce poème?
Introduction
Les Effarés est un poème de Rimbaud extrait du recueil Poésies en parution posthume 1895. C'est une poésie inspirée du roman de Victor Hugo, les Misérables ainsi que de ses personnages, Cosette et Gavroche, victimes de la misère.
Rimbaud y peint une scène des rues de Paris à travers cinq enfants des rues, affamés une nuit d'hiver. Ils regardent travailler un boulanger par un soupirail.
Alors adolescent, en fugue à Paris, il dénonce la misère, celle des enfants. C'est une poésie constituée de 12 tercets de deux octosyllabes en rimes suivies et d'un tétrasyllabe. Les Cahiers de Douai sont composés de 22 poèmes en deux liasses. Le poème "Les Effarés" appartient au premier cahier de Douai.
Problématique :
Comment Rimbaud dénonce t'-il la misère dans ce poème?
Mouvements :
Mouvement 1
L'opposition de deux mondes, celui du boulanger et celui des enfants des rues affamés et transis de froid : les 5 premières strophes
Mouvement 2
L'enjeu satirique de la poésie ; les 7 dernières strophes
L'opposition de deux mondes, celui du boulanger et celui des enfants des rues affamés et transis de froid
mouvement 1
La poésie s'ouvre sur un jeu de contrastes orchestré par l'opposition du blanc et du noir "Noirs dans neige", la couleur noire en antithèse au blanc de la neige surgit dans la lumière du "grand soupirail qui s'allume". L'expression familière "leurs culs en rond" n'est encore pas révélatrice de l'identité de ce groupe nominal, le sujet n'apparait qu'au vers 4 "cinq petits". Ce quatrième vers est composé de cinq mots d'une ou deux syllabes enrichi d'une incise entre deux tirets "A genoux, cinq petits, - misère!-". L'interjection est révélatrice du jugement du poète qui livre ses pensées et ses sentiments, les marques de la subjectivité se traduisent par une ponctuation expressive, les tirets, le point d'exclamation, l'incise. L'émotion du poète est sensible et les non-dits sont lourds. Le spectacle auquel le poète assiste lui arrache un cri d'horreur rendu par l'exclamative : "-misère-!"
La passivité des enfants "à genoux" constraste avec le boulanger en action, ils "regardent faire". L'enjambement des vers 5 et 6 valorise la production de l'artisan encore enrichie par les deux adjectifs épithètes pour désigner le pain, "le lourd pain blond". Le pain est un symbole de la vie et le boulanger est orthographié avec une majuscule dans la poésie "le Boulanger", il représente symboliquement celui qui fait le pain tel un magicien qui transforme la pâte en "pain blond".
Il est aussi celui qui représente le pouvoir, il a le pouvoir de donner ou de ne pas donner du pain à ces cinq enfants affamés, il est l'homme désigné par la métonymie "le fort bras blanc", vers 7.
Le symbole du foyer est représenté par le four du boulanger qui "enfourne" le pain au vers 8, il est "ce trou clair". Le pain est présent sous forme de "pâte" transformée en un "pain blond". Le boulanger fait figure de magicien, il accomplit le miracle comme on exerce un tour de magie, il charme les enfants et "chante un vieil air". Il "tourne", "enfourne", "chante" et les enfants "voient", "écoutent". Les sensations sont visuelles, on note l'évolution "du pain blond", "au bras blanc" en passant par "la pâte grise" et le four "clair". La faim des enfants transparaît grâce à l'allitération en "B" qui connote la gourmandise "Regardent le Boulanger faire/le lourd pain blond/Ils voient le fort bras blanc qui tourne".
Le contraste entre l'extérieur et l'intérieur est explicite, les enfants dans le froid sont accroupis et regardent le boulanger, au chaud, faire son pain. Ce dernier ne donne rien, il chante, il grogne. Les sonorités se font gutturales "Le Boulanger au gras sourire/Grogne" et renvoient l'image d'un être démoniaque qui ne partage pas.
"Blottis", transis par le froid, les enfants sont en quête de chaleur. Leur regard se tourne vers cet intérieur chaleureux du boulanger, il est l'objet du désir des enfants affamés que la comparaison du vers 15 restitue "chaud comme un sein" en évoquant l'image de la chaleur maternelle. Le symbole du foyer caractéristique de la famille protectrice et chaleureuse fait défaut à ses pauvres enfants privés de ce souffle "chaud", métaphore de la vie. Les sonorités "Au souffle du soupirail rouge" renforcent la fascination des enfants dont le soupirail ne révèle que quelques odeurs et un peu de chaleur.
L'enjeu satirique de la poésie
Mouvement 2
Le deuxième mouvement de notre étude est marqué par la présence d'anaphores de "quand" aux vers 16, 19 et 22. Elle se poursuit sur les 7 derniers tercets.
Le rythme s'emballe par l'accumulation de propositions subordonnées circonstancielles de temps.
Les enfants sont fascinés par le travail du boulanger, ils se laissent envoûter par le son qu'émet le pain comme le suggère le rythme ternaire du vers 16 "Façonné, pétillant et jaune" puis, la personnifcation du vers 20 "chantent les croûtes parfumées" qui elle-même est évocatrice d'une scène de joie "Quand ce trou chaud souffle la vie / Ils ont leur âme si ravie". Ils semblent transportés et admiratifs, c'est une scène festive comme le montre l'adverbe d'intensité "si", "ils ont leur âme si ravie".
Mais de nouveau l'effet de contraste entre ce monde envoûtant du boulanger et leur réalité est traduit par le complément circonstanciel "sous leurs haillons", les rappelant ainsi à leur misère.
Ces enfants sont à présent animalisés par le champ lexical de l'animal, "collant", "petits museaux roses", "grognant". Leurs paroles semblent indistinctes comme le suggère le participe présent "chantant des choses".
Ils semblent formuler une prière silencieuse, "Mais bien bas, -comme une prière...". La comparaison met en avant l'espoir qu'ils nourrissent d'avoir un peu de pain de la part du boulanger. Ils sont représentés comme s'ils se prosternaient par le participe passé, "Repliés vers cette lumière". La lumière connote l'espoir. L'évocation du ciel : "Du ciel rouvert" imprègne le lecteur d'une dimension religieuse. Le champ lexical de la religion domine, "pauvres petits", "prière", "lumière", "ciel rouvert". Ils sont tels des pélerins mais en vain car leur prière n'est pas entendue. La religion reste sourde à la misère sociale.
Rimbaud dénonce la misère des enfants, leur triste sort est évoqué dans le tercet suivant en présentant les effarés avec des vêtements en haillons "-Si fort, qu'ils crèvent leur culotte/ - Et que leur lange blanc tremblote". Ces jeunes enfants ont si froid que l'on peut ressentir leurs tremblements par les allitérations en "L" et en "R".
Le rejet au vers 35 "Au vent d'hiver..." sensibilise le lecteur à l'abandon de ses enfants et à l'indécense de leur vie dans la rue. Les points de suspension achèvent le poème traduisant ainsi l'émotion de Rimbaud au-delà des mots, laissant place au silence.
Conclusion
Dans cette poésie, Rimbaud dénonce la misère des enfants en suscitant la compassion chez le lecteur par une versification contrastée. C'est une poésie symbolique dont l'enjeu est satirique à plusieurs niveaux. Le poète dénonce la faim, l'abandon, le pouvoir et la religion embourgeoisée.
Ouverture
On retrouve dans le discours de Victor Hugo prononcé à l'Assemblée Nationale son désir de combattre la misère.
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