Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson. Etude linéaire-Comment la contemplation de la nature invite t'elle à la réflexion?

Etude linéaire

Tesson 2

Etude linéaire "C'est le jour du printemps... sa force dans mon dos"

Tesson

Lecture du texte 
21 mars
     C'est le jour du printemps, le ciel est bleu et je pars dans les bois. Je m'élève le long de la rivière gelée débouchant sur le lac à cinq cents mètres au nord de la cabane. 
     La solitude de la nature rencontre la mienne. Et nos deux solitudes confirment leur existence. En peinant dans la poudreuse, je repense à la méditation de Michel Tournier sur la joie d'avoir à ses côtés un semblable pour se convaincre de l'existence du monde. Je suis seul à regarder ces frênes à l'écorce veinée de striures verticales. 
Les arbrisseaux portent en boules de Noël des étoupes de neige. Les mélèzes aux formes torturées donnent un air d'estampe à la vallée (dans les dessins chinois on croirait toujours que les montagnes et les rivières souffrent).  Le regard est un baptême mais dans la situation présente, personne n'assiste mon coup d'oeil pour donner vie à ces formes. Je n'ai que le faisceau de ma vue pour faire surgir le monde. A deux, nous ferions jaillir plus de choses. 
     J'avance, je dépasse le bosquet, il disparaît de ma vue. Existe t'-il encore? Si j'avais un compagnon, je lui demanderais de surveiller que le monde ne s'efface pas derrière moi. L'affirmation schopenhauerienne de l'existence du monde par seule représentation du sujet  est une amusante vue de l'esprit, mais c'est c'est une foutaise. La forêt, est-ce que je ne la sens pas irradier de toute sa force dans mon dos? 

Problématique :  Comment la contemplation de la nature pousse t'elle Sylvain Tesson à réfléchir à la fiabilité de nos regards sur le monde? 

Tesson

Introduction 
Dans Les forêts de Sibérie, en date de 2011, est un récit de voyage autobiographique de Sylvain Tesson né en 1972 à Paris. Ecrivain, géographe français, il est connu pour les récits comme La panthère des neiges, Les chemins noirs. 
L'extrait à étudier met en avant la contemplation de la nature dans le but de partager son regret de solitude et ses réflexions sur l'existence du monde. 
Problématique : 
Comment la contemplation de la nature pousse t'elle Sylvain Tesson à réfléchir à la fiabilité de nos regards sur le monde? 
Mouvements de l'étude linéaire 
1er mouvement : lignes 1 à 4
La contemplation de la nature
Mouvement 2 : lignes 5 à 18
Le regret de solitude fait place à la contemplation de la nature
Mouvement 3 : lignes 19 à 25
La narrateur s'interroge sur l'existence du monde 

 

1er mouvement : lignes 1 à 4 La contemplation de la nature

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C'est un récit de voyage consacré à l'observation de la nature. Le texte s'ouvre sur la référence temporelle "21 mars". Le récit commence in medias res, il place le lecteur au coeur de l'action. Une autre précision temporelle enrichit le récit dès la ligne 2, "le jour du printemps".  Le champ lexical est celui de la nature, "ciel, bois, rivière, lac". Le cadre spatial est chiffré par Sylvain Tesson, le géographe à la ligne 4, "à 500 m au nord". 
Les verbes d'action "pars", "m'élève", "débouchant" suggèrent l'harmonie de Sylvain Tesson avec une nature qui le sollicite et avec laquelle il est en osmose mais toujours soucieux de la décrire "le ciel est bleu", "la rivière est gelée".  
Le narrateur dresse un tableau en hypotypose ( figure de style consistant en une description réaliste, animée et frappante de la scène dont on veut donner une représentation imagée et comme vécue à l'instant de son expression)

 

Mouvement 2 : lignes 5 à 18 Le regret de solitude fait place à la contemplation de la nature

Tesson

Dans le deuxième mouvement, la solitude est un élément essentiel, telle une compagne, elle s'accorde en toute harmonie avec la contemplation de la nature, "La solitude de la nature rencontre la mienne. Et nos deux solitudes". La solitude personnalisée, confondue avec celle du narrateur est au pluriel. Notons la récurrence du terme "solitude" dans le texte. 
Mais la solitude du narrateur n'est pas celle dont parle Michel Tournier dans "sa méditation" car elle suppose "la joie d'avoir à ses côtés un semblable pour se convaincre de l'existence du monde". Chez Tesson, la solitude devient l'antithèse "d'un semblable" et transforme son rapport au monde. Cette référence littéraire à Michel Tournier invite le lecteur à se faire complice de l'écrivain, à réfléchir lui aussi sur la solitude et le partage en se remémorant Vendredi ou la vie sauvage. 
Le pronom personnel "je" et l'adjectif "seul" connotent encore la solitude en contraste avec un semblable imaginaire "A deux, nous ferions jaillir plus de choses". Le "nous", l'utilisation du conditionnel "ferions" et l'adverbe "plus" soulignent le manque de l'autre provoqué par l'exil de l'auteur.  
Sylvain Tesson se dresse comme un observateur de la nature avec le verbe "regarder" et les références à la vison, "formes, regard, mon coup d'oeil, faisceau de ma vue". Le champ lexical de la vue correspond et s'accorde avec celui de la nature "écorce, mélèzes, montagnes".  

Mouvement 3 : lignes 19 à 25 La narrateur s'interroge sur l'existence du monde

Tesson

La réflexion de Sylvain Tesson le place dans l'action comme le suggère l'énumération "J'avance, je dépasse". Mais ses pensées le ramènent au paysage décrit à travers "le bosquet" et "la forêt", termes personnifiés, reliés à ses sens. Le "bosquet" à  sa vue et "la forêt" à la sensation qui remet en question ses propres sens et sa perception du monde. 
Cette remise en question apparaît par deux questions rhétoriques : 
"Existe-t'-il encore? / La forêt est-ce que je ne la sens pas irradier de toute sa force dans mon dos?". 
La solitude regrettée de Tesson  est évoquée  par le conditionnel "je lui demanderais". Le compagnon permettrait au narrateur de vérifier la validité de ses propres observations. On a presque le sentiment que Sylvain Tesson joue à cache-cache avec la nature qui l'entoure, "disparaît, surveiller, s'efface" et c'est le mouvement de l'auteur dans la nature, "j'avance, je dépasse" qui change le sens de ses observations. 
Sa référence à Schopenhauer lui permet de s'interroger sur l'existence du monde. Il questionne la réalité du monde qu'il refuse de limiter à une simple "représentation du sujet", "L'affirmation schopenhauerienne de l'existence du monde par seule représentation du sujet  est une amusante vue de l'esprit, mais c'est c'est une foutaise."
L'ironie est manifeste. Le langage devient familier, "c'est une foutaise". 
Le texte se termine sur cette dimension philosophique qui interroge sur la validité de ce qui est observé, de ce qui ne se voit plus, de l'existence du monde. 
La puissance du monde dépasse l'homme ainsi que le suggère la métaphore de la dernière ligne, "La forêt, est-ce que je ne la sens pas irradier de toute sa force dans mon dos?"

 

Conclusion
Ainsi, Sylvain Tesson par la contemplation de la nature partage le regret de solitude et ses réflexions sur l'existence du monde selon le point de vue de l'observateur. Il se fait alchimiste en portant une réflexion sur la fiabilité de ses sens et la vraisemblance du monde qu'il célèbre par sa fusion avec lui. 


Ouverture :

Comment Michel Tournier s'interroge t'-il sur la solitude dans le partage et la vision du monde dans son livre Vendredi ou la vie sauvage?  

 

Célébration du monde

Colette Célébration du monde

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